Dans le contexte actuel de crise financière , voici un texte de Mgr Léonard de 1996 toujours d'actualité .
"En quelques années, l'économie s'est mondialisée sous la poussée de l'idéologie
néo-libérale qui envahit la terre et ne connaît d'autre valeur sacrée que la liberté
du marché.
Nous avons nous-mêmes pactisé avec cette idéologie individualiste en glorifiant une liberté humaine absolue, rebelle à toute norme morale.
Et voici que cette liberté sans vérité se retourne contre l'homme.
Au moment même où celui-ci rejette l'autorité des valeurs morales,
il devient le jouet de logiques technologiques et économiques incontrôlables.
Lorsque les économies étaient encore régionalisées, les Etats pouvaient corriger
par une législation sociale adéquate les excès inhumains du pur libéralisme
économique et mettre ainsi la force de la loi au service de ceux que la logique
économique, laissée à elle-même, risque toujours d'oublier.
Aujourd'hui l'économie obéit à des stratégies mondiales dont les ficelles sont
tirées par un petit nombre de décideurs sur lesquels les Etats n'ont que peu
de prise (...)
C'est donc au coeur d'une véritable jungle économique que notre confort occidental
se retourne contre nous, suscitant des délocalisations sauvages d'entreprises,
qui ruinent l'emploi chez nous sans engendrer pour autant une véritable hausse du
niveau de vie ailleurs.
Les technologies s'emballent selon leur logique propre, si bien que l'emploi traditionnel
régresse sans qu'on ait pensé avec imagination à la création de types d'emploi nouveaux.
L'homme, au beau milieu de l'affirmation de son autonomie absolue, tend ainsi à devenir
un produit parmi d'autres, mesuré à l'aune de son utilité, de sa rentabilité et de sa
solvabilité.
(..)
Où allons-nous ?
Qui le sait encore ?
(...)
Les citoyens ont le sentiment d'être sacrifiés à des impératifs budgétaires
abstraits, immolés sur l'autel de Maastricht, voués aux impératifs obscurs de la monnaie unique, etc.(...)
Quelle est encore la place de l'homme, où est la dignité inaliénable de la personne,
dans cette énorme machinerie qui gouverne la planète ?
(...)
Face aux grands défis moraux, économiques, sociaux et politiques qui marquent l'histoire
présente de l'humanité, nous avons dans l'enseignement du Magistère de l'Eglise (...),
un ensemble précieux de points de repères qui valorisent l'être humain en vérité dès
lors qu 'ils exaltent sa liberté tout en la référant
à sa vocation profonde. (...)Je souhaite de tout mon coeur que nous sachions tirer le meilleur parti possible de la
doctrine sociale de l'Eglise et soyons soucieux de la répercuter dans les lieux de
formation dont nous avons la charge".
d'après Mgr André-Mutien Léonard, évêque de Namur, janvier 1996,
dans Permanences , N°339