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Texte libre

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" Marthe, pensez-vous que la France ait encore un avenir spirituel ?"
Elle a poussé une sorte de cri et a dit : "Ah, ça j'y crois beaucoup !" Elle l'a dit avec une force dans la voix, comme une jaillissement de son coeur....  
PERE BERNARD PEYROUS   

L’arc-en-ciel de la vocation chrétienne est devenu presque infini ; l’éventail des réalisations de la sainteté le sera tout autant.

Mgr Jean-louis Bruguès, o.p. 

 

Benoit-XVI.jpg 

"La chose la plus horrible dans notre monde aujourd'hui, c'est la communion
dans la main"
(Mère Teresa, 23 mars 1989, dans The Wanderer, Pakistan).

Texte libre

imTOU.jpg 

Joli chemin n’allonge pas 

 Prière ne retarde pas, 

Et aumône n’appauvrit pas.   

 

Sous le pommier,

Proverbes de la Terre,

par Henri Pourrat,

éd Dominique Martin Maurin 

 

 ___________________________ 

J'ai rêvé que la vie est joie.
Je me suis réveillé et j'ai vu

que la vie est devoir.
J'ai accompli mon devoir et

j'ai réalisé que le devoir est Joie.  

Tagore 

JMJ SYDNEY 2008
envoyé par Le_Bon_Larron

 ____________________________

 La science prétend aujourd’hui que l’univers est vide et muet Je ne crois pas que l’univers soit muet, je crois plutôt que la science est dure d’oreille…

L’œil qui scrute, qui analyse,
qui dissèque, doit être réconcilié avec l’œil qui vénère et qui contemple…


Il nous faut apprendre maintenant
à vivre en pratiquant à la fois la science et la poésie ;
Il nous faut apprendre à garder 
les deux yeux ouverts en même temps

Hubert Reeves (Il y eut un matin ) 

 


Saint(e)s envoyé par Le_Bon_Larron 
  

Cantique des trois enfants dans la fournaise (Daniel 3, 51 sq, extraits)

Toutes choses germant sur la terre, bénissez le Seigneur !
Sources et fontaines, bénissez le Seigneur !
Vous tous, oiseaux du ciel, bénissez le Seigneur !
Vous tous, bêtes et bestiaux, bénissez le Seigneur !
Vous, enfants des hommes, bénissez le Seigneur !
Vous, saints et humbles de cœur, bénissez le Seigneur !
A Lui haute gloire, louange éternelle!


"Je vous donnerai, dit Jérémie, des pasteurs selon mon coeur." (3,15)

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9 octobre 2010 6 09 /10 /octobre /2010 20:30

 

 

Saint Denis, premier évêque de Lutèce des Parisiens (act. Paris), et ses compagnons, les saints Rustique et Eleuthère, tous trois martyrs (v. 250), inhumés à Catolacus (ou vicus Catulliacus, act. Saint-Denis) et antiques protecteurs de la monarchie française.

 

Sainte Geneviève, patronne de Paris (voir sa fête au 3 janvier), fit construire une basilique sur l’emplacement de la triple sépulture et Dagobert Ier (+ 638) l’enrichit si bien qu’il passa par la suite pour être le fondateur de l’abbaye ; il s’y fit inhumer à côté d’autres Mérovingiens et cette église devint progressivement la principale nécropole des rois et des princes. Une communauté monastique fut sur place dès le VIIe siècle. Charles Martel s’y fit inhumer (741) et son fils Pépin le Bref, y fut sacré par le pape Etienne II, en compagnie de ses propres fils, Charlemagne et Carloman (754). Pépin le Bref y fut inhumé à son tour et, en 775, Charlemagne célébrera la dédicace de la nouvelle église, où Charles II le Chauve sera lui aussi inhumé (+ 877) ; il avait été abbé laïc et les Robertiens* y furent aussi abbés et inhumés. « Les liens entre la monarchie et l’abbatiale apparaissaient indissolubles » (Alain Erlande-Brandenburg). Dans un bâtiment complètement transformé par l’abbé Suger et d’autres après lui, étaient conservés l’oriflamme Montjoie qui guida les armées de 1124 à 1415, et qui était réputé d’origine carolingienne ou même céleste. Là encore étaient gardés les insignes du pouvoir des rois et des reines pour le sacre de Reims. De prestigieuses reliques sacralisaient elles aussi un espace considéré comme l’un des centres mystiques de la France : le saint clou et la sainte épine dans la sainte couronne, en étaient les plus célèbrent. Les reines y furent sacrées et couronnées, d’Anne de Bretagne à Marie de Médicis. Les moines de Saint-Denis ne devaient pas être étrangers à l’élaboration des acclamations royales (Laudes regiae) au début du règne de Pépin le Bref et plusieurs d’entre eux contèrent l’histoire de France dès le XIIe siècle, engendrant ainsi les Grandes Chroniques de France. Louis XIV fit cependant ce qu’il fallait pour qu’il n’y ait plus d’abbé et la tornade des événements catastrophiques de la fin du XVIIIe siècle anéantit la communauté monastique plus que millénaire, les trésors, les tombes… Les bâtiments furent saccagés. Ancienne abbaye royale, Saint-Denis est devenu cathédrale d’un nouveau diocèse (1966) et les bâtiments du monastère sont occupés par les demoiselles de la principale des maisons d’éducation de l’ordre de la Légion d’honneur. Quelques dynaste du XIXe siècle y dorment de leur dernier sommeil et les tombes font de l’église un véritable musée de la statuaire ; une chapelle latérale (Saint-Martin évêque) conserve comme trésor les objets royaux, princiers et chevaleresques des obsèques de Louis XVIII et du duc de Berry, épaves restaurées des fastes d’autrefois. Une association culturelle veille aux intérêts de l’église et de tout ce qu’elle représente : c’est le Mémorial de France à Saint Denys, dont le président et M. le duc de Bauffremont. Monseigneur le duc d’Anjou et de Cadix en est président d’honneur.

 

* Descendants de Robert le Fort (= 866) jusqu’à son arrière-petit-fils Hugues Capet.

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9 octobre 2010 6 09 /10 /octobre /2010 20:27

 

  

        A la faveur du culte très populaire de saint Denis, premier évêque de Paris, cette ancienne abbaye a su lier très tôt son destin à celui de la royauté.

 

Elle devint la nécropole privilégiée des souverains français, et chaque nouvelle dynastie perpétua cette tradition pour affirmer sa légitimité.

 

Napoléon Ier lui-même conçut le projet d’en faire une nécropole impériale.

 

La plus ancienne sépulture connue est celle de la reine Arégonde, épouse de Clotaire Ier, décédée vers 565-570.

 

Dagobert est le premier roi a y avoir été enterré.

 

Mais c’est à partir de Hugues Capet que tous les rois y furent systématiquement inhumés, à quelques exceptions près : Philippe Ier, mort en 1108, Louis VII, mort en 1180, et Louis XI, mort en 1483.

 

Les restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette y furent apportés en 1816, après la chute du Premier Empire.

 

Les reines de France, les enfants des souverains figurent aussi dans ce cimetière, de même que quelques grands serviteurs du royaume, tel Bertrand Du Guesclin.

 

Au total, 42 rois, 32 reines, 63 princes et princesses et 10 grands du royaume y furent enterrés.

 

Toutes les sépultures furent violées en 1793 par les révolutionnaires.

 

Saint-Denis conserve néanmoins leur souvenir dans la pierre.

 

Conformément à la volonté de saint Louis, le transept et le choeur de la basilique abritent aujourd’hui plus de soixante-dix gisants et tombeaux de la Renaissance, une collection unique en Europe.

 

Elle permet d’apprécier l’évolution de l’art funéraire des gisants sculptés en réserve du 12e siècle aux grandes compositions du 16e siècle, tels les tombeaux de Louis XII et d’Anne de Bretagne et ceux de Henri II et Catherine de Médicis.

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9 octobre 2010 6 09 /10 /octobre /2010 20:24

 

Pour fêter la prise des Tuileries du 10 août 1792, lors de la séance du 31 juillet 1793, un conventionnel, Barère, propose de détruire des tombes. Dom Poirier, ancien bénédictin de l'abbaye de Saint-Denis, est nommé commissaire de l'Institut, et à ce titre, chargé d'assister à l'exhumation. Le mois d'août doit être procédé à pratiquer l'exhumation des corps. Une décision inappliquée puisqu'un conventionnel, Lequinio, dénonce son inapplication le 7 septembre 1793.

 

Dom Poirier a été le principal témoin oculaire de l'exhumation et de la profanation des tombeaux royaux (tout comme Alexandre Lenoir). Il a assisté à l'exhumation, une première fois en août 1793. Notamment les tombeaux de :

*          Philippe le Hardi et d'Isabelle d'Aragon.

*          Pépin le Bref

*          Constance de Castille, femme de Louis VII

*          Louis VI.

Mais, c'est lors de la deuxième vague de profanation (octobre 1793), qu'ont été véritablement réalisées les exhumations. Les exhumations procédées dans l'ordre en octobre 1793 sont, toujours selon le témoignage sous forme de procès-verbal de Dom Poirier (on ne citera que les principaux personnages) :

 

12 octobre :

*          Henri IV

 

14 octobre :

*          Louis XIII

*          Louis XIV

*          Marie de Médicis

*          Anne d'Autriche

*          Marie-Thérèse d'Espagne

*          Gaston d'Orléans, fils d'Henri IV

*          Turenne (dom Poirier ne le mentionne pas dans son procès-verbal, mais un autre témoin oculaire a vu son exhumation)

 

16 octobre :

*          Henriette de France, épouse de Charles Ier d'Angleterre

*          Philippe d'Orléans, régent de France

*          Louis XV

*          Charles V

*          Jeanne de Bourbon

 

17 octobre :

*          Charles VI

*          Isabeau de Bavière

*          Charles VII

*          Marie d'Anjou

*          Marguerite de France, femme d'Henri IV

*          François II

·                     Charles VIII

 

18 octobre :

*          Henri II

*          Catherine de Médicis

*          Charles IX

*          Henri III

*          Louis XII

*          Anne de Bretagne

*          Jeanne de Navarre, fille de Louis X

*          Louis X

*          Jean Ier

*          Hugues le grand, père de Hugues Capet

*          Charles le chauve

 

19 octobre :

*          Philippe Auguste

*          Louis VIII

*          Louis IX

*          Philippe IV le bel

*          Dagobert

*          Nanthilde, femme de Dagobert

 

20 octobre :

*          Du Guesclin

*          Bureau de la Rivière

*          François Ier

*          Louise de Savoie

*          Claude de France

*          Pierre de Beaucaire, chambellan de Louis IX

*          Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis

 

21 octobre :

*          Philippe V

*          Philippe VI de Valois

 

22 octobre :

*          Barbazan, chambellan de Charles VII

*          Louis de Sancerre, connétable de Charles VI

*          Suger

·                     l'abbé Troon

 

24 octobre :

·                     Charles IV le bel

 

25 octobre :

*          Jean II le bon

*          Louise de France, fille de Louis XV, rapportée depuis le couvent des Carmélites

 

18 janvier 1794 :

*          Marguerite de Flandre, fille de Philippe V

Dom Poirier avoue n'avoir pas retrouvé certains personnages comme le cardinal de Retz (mort en 1679) ou Alphonse de Brienne. Plusieurs corps sont retrouvés en état de putréfaction ou réduits en poussière. Curieusement, le corps d’Henri IV est dans un si bon état de conservation qu’il est exposé aux passants, debout, durant quelques jours devant la basilique.

La basilique de Saint-Denis : un témoin de la théologie de la Lumière

L'historien médiéviste Georges Duby décrit la basilique de Saint-Denis comme un prototype de la théologie de la Lumière, définie par l'abbé Suger en prenant comme modèle le pseudo-Denys l'Aréopagite.

 

Cette théologie a été employée pour les cathédrales d'Europe aux XIIe et XIIIe siècles et est à l'origine de l'architecture religieuse gothique.

 

            11 juin

Consécration de la basilique de Saint Denis

Le chœur de la basilique de Saint-Denis, dédiée au premier évêque de Paris décapité par les Romains en 258, est solennellement consacré en présence du roi louis VII et de l'abbé Suger. La première église abbatiale de Saint-Denis fut élevée par sainte Geneviève au Vème siècle. Sous les Capétiens, elle devint nécropole royale. Le choeur de la basilique, avec ses chapelles rayonnantes et sa voûte en croisée d'ogives, marque la naissance d'un nouveau style architectural : l'art gothique.

Voir aussi : Consécration - Basilique - Histoire de Saint Denis - Histoire de la Chrétienté - Histoire de France - Le 11 Juin - Année 1144

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9 octobre 2010 6 09 /10 /octobre /2010 20:16
Souverains inhumés

Dagobert

Pépin le Bref

Charles le Chauve

Philippe II Auguste

Louis VIII le Lion

Louis IX le Saint

Philippe III le Hardi

Philippe IV le Bel

 Louis X le Hutin

 Jean I le Posthume 

 Philippe V le Long 

 Charles IV le Bel 

 Phillipe VI de Valois 

 Jean II le Bon 

 Charles V 

 Charles VI le Fou 

 Charles VII le bien servi 

 Charles VIII 

 Louis XII 

 François Ier 

 Henri II 

 François II  

 Charles IX 

 Henri III          

 Henri IV

 Louis XIII

 Louis XIV

 Louis XV

 Louis XVI

 Louis XVII

 Louis XVIII

 

 Arégonde, épouse de Clotaire Ier

 Isabelle de Hainaut, épouse de Philippe Auguste EST A NOTRE DAME DE PARIS

 Blanche de Castille (1188-1252, épouse de Louis VIII le Lion

 Marguerite de Provence (1221-1295), épouse de Louis IX, le Saint

 Isabelle d'Aragon, épouse de Philippe III le Hardi

 Clémence de Hongrie (1290-1328) , épouse de Louis X le Hutin

 Jeanne d'Evreux (1310-1371), épouse de Charles IV le Bel

 Jeanne de Bourgogne (1393-1348), épouse de Philippe VI de Valois

 Blanche de Navarre (1330-1398), épouse de Philippe VI de Valois

*          Jeanne de Bourbon, épouse de Charles V

*          Isabeau de Bavière (1370-1435), épouse de Charles VI

*          Marie d'Anjou (1404-1463), épouse de Charles VII

*          Anne de Bretagne (1477-1514), épouse de Charles VIII et 2e épouse de Louis XII

*          Claude de France, duchesse de Bretagne, 1re épouse de [[François Ier]]

*          Catherine de Médicis (1519-1589), épouse d'Henri II

*          Marguerite de France, 1re épouse d'Henri IV

*          Marie de Médicis, 2e épouse d'Henri IV

*          Anne d'Autriche (1601-1666), épouse de Louis XIII

*          Marie-Thérèse d'Autriche (1638-1683), épouse de Louis XIV

*          Marie Leszczyn´ska, épouse de Louis XV. Son cœur repose auprès de ses parents (Catherine Opalin´ska et Stanislas Leszczyn´ski), en l'église Notre-Dame-de-Bonsecours de Nancy

*          Marie-Antoinette d'Autriche, épouse de Louis XVI

 

Saint Louis refusa l'inhumation d'Ingeburge de Danemark

 

Souverains français enterrés hors de Saint-Denis

 

Autres personnages inhumés

*          Charles Martel

*          Bertrand du Guesclin

*          Gaspard IV de Coligny, mort en 1649 alors qu'il venait d'être créé maréchal de France

*          Arnaud Guillaume de Barbazan

*          Charles II d'Alençon (transféré au XIXe siècle)

*          Ne d'Artois (1783-1783), petite-fille de France, Mademoiselle d'Angoulême, 2re fille de Charles X

*          Ne d'Artois (1776-1783), petite-fille de France, Mademoiselle, 1re fille de Charles X

*          Sophie de France (1786-1787), fille de France, Madame Sophie, 2re fille de Louis XVI

*          Louis de France (1781-1789), dauphin de France, fils aîné de Louis XVI

*          Cœur de Louis de France (1785-1795), dauphin de France, 2e fils de Louis XVI

*          Louise Isabelle d'Artois (1817-1817), titrée petite-fille de France, Mademoiselle, fille aînée de Charles Ferdinand d'Artois

*          Louis Joseph de Bourbon (1736-1818), prince de Condé, duc de Bourbon, d'Enghien et de Guise

*          Louis d'Artois (1818-1818), titré petit-fils de France, 1er fils de Charles Ferdinand d'Artois

*          Charles Ferdinand d'Artois (1778-1820), petit-fils de France, duc de Berry, 2e fils de Charles X

*          Louis Henri Joseph de Bourbon (1756-1830), prince de Condé, duc de Bourbon, d'Enghien et de Guise

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9 octobre 2010 6 09 /10 /octobre /2010 20:14

Vitraux du chœur de la basilique Saint-Denis, au nord de Paris

 

La première construction à se démarquer franchement du style roman,

 

L'abbaye bénédictine de Saint-Denis est un établissement prestigieux et riche, grâce à l'action de Suger, abbé de 1122 à 1151. Ce dernier souhaite rénover la vieille église carolingienne afin de mettre en valeur les reliques de saint Denis dans un nouveau chœur : pour cela, il souhaite une élévation importante et des baies qui laissent pénétrer la lumière.

 

Suger décide d'achever la construction de la principale église de son évêché en s'inspirant du nouveau style entraperçu dans la cathédrale Saint-Étienne de Sens. En 1140, il fait édifier un nouveau massif occidental, en s'inspirant des modèles normands de l'âge roman comme l'abbatiale Saint-Étienne de Caen. En 1144, la consécration du chœur de la basilique marque l'avènement d'une nouvelle architecture. Reprenant le principe du déambulatoire à chapelle rayonnante en le doublant, il innove en prenant le parti de juxtaposer les chapelles autrefois isolées en les séparant par un simple contrefort. Chacune des chapelles comporte de vastes baies jumelles munies de vitraux filtrant la lumière. Le voûtement adopte la technique de la croisée d'ogive qui permet de mieux répartir les forces vers les piliers.

 

Actuellement, le monument est ouvert au public et divisé en deux espaces:

 

- la nef et les bas-côtés qui servent toujours la fonction d'église, et où ont lieu les cérémonies catholiques.

 

- le transept, le chœur et le déambulatoire, ainsi que la crypte, accueillent un musée où sont exposés les tombeaux des rois et reines de France, ainsi que de plusieurs de leurs serviteurs. Le musée est fermé pendant les cérémonies religieuses. On y remarque surtout les mausolées de Louis XII, d’Anne de Bretagne, de François Ier et de Henri II.

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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 22:03

La basilique Saint-Denis est une église de style gothique située à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis (93). Elle a le statut de cathédrale depuis 1966, mais elle est aussi une abbatiale.

 

Station de métro : Basilique de Saint-Denis.

 

Histoire

Dès le Bas-Empire, un cimetière gallo-romain est attesté sur le site de Saint-Denis. Au IVe siècle, un mausolée fut élevé à l'emplacement du maître-autel actuel. Puis au Ve siècle, sainte Geneviève achèta les terres alentours et fit construire une église qui fut agrandie à deux reprises sous les Mérovingiens, notamment sous Dagobert Ier. Vers l'an 630, on y plaça les corps de saint Denis (premier évêque de Paris) et ses deux compagnons, le prêtre Rusticus et le diacre Eleuthère. Un nouveau sanctuaire fut entrepris vers 750 par Pépin le Bref. Sous les Carolingiens, une église de plan basilical à trois nefs et à transept saillant fut construite. Elle fut rénovée au cours des âges, jusqu'au XIVe siècle. Dans la première moitié du XIIe siècle, l'abbé Suger, conseiller de Louis VI le Gros et de Louis VII le Jeune, détruisit l'église carolingienne et fit édifier une église gothique. Avec lui, l'abbaye devint encore plus importante; elle abrita les regalia (instruments du sacre), devint nécropole royale et plus seulement dynastique.

Depuis Hugues Capet, elle abrite les tombeaux des rois de France sauf celui de Philippe Ier (inhumé au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire).

Le premier des rois Capétiens, Hugues Capet, fut abbé laïc de Saint-Denis, et il s'appuya souvent sur la puissance de l’abbaye pour conforter son pouvoir.

Le 22 août 1291, une bulle du pape Nicolas IV, datée d' Orvieto, confirmant elle-même une bulle de Célestin III, accorda aux religieux de Saint-Denis le privilège de n'être soumis à aucune sanction canonique, émanée de qui que ce fût, hormis de leurs abbés, sans une licence spéciale du souverain pontife.

C'est à l'abbaye de Saint-Denis que les rois de France se rendaient pour y prendre l'oriflamme avant de partir en guerre ou en croisade.

En 1576, pendant les guerres de Religion, les Protestants et les Catholiques s'y livrèrent une furieuse bataille, et en 1593, Henri IV y abjura le protestantisme.

 

Saint-Denis et le patrimoine

Dagobert fut le premier roi à se faire inhumer à Saint-Denis. Du fait de son statut de nécropole des rois de France, la basilique de Saint-Denis a joué un rôle important dans l'histoire du patrimoine en France.

En 1793, les sépultures des rois furent violées, et leurs dépouilles enterrées sous un tumulus.

Napoléon fit procéder aux premières restaurations en 1805

Sous la Restauration, elles furent inhumées dans un ossuaire placé dans la crypte.

En 1816, Louis XVIII ordonna la reconstitution de la nécropole royale. Les ossements des Bourbons furent remis dans la crypte

La basilique de Saint-Denis figure sur la première liste des monuments historiques de 1840.

 

Liste des architectes ayant participé à la restauration de la basilique :

 

1819 - 1813 : Jacques Célerier

 

1813 - 1846 : François Debret. C'est sous sa direction que des lézardes apparaissent dans la tour nord et que celle-ci doit être démontée. Suite à cette mésaventure il parait évident que l'école des Beaux-Arts ne forme pas des architectes capables d'intervenir sur les bâtiments anciens. De là découlera l'idée d'une formation spécifique pour les architectes qui se déstinent à intervenir sur les monuments historiques créés à cette époque.

 

1846 - 1879 : Eugène Viollet-le-Duc. Il reprend en main l'édifice et le sauve sans doute de la ruine, en achevant la restauration et en gommant une partie des interventions de Debret, jugées fantaisistes. C'est lui qui réorganise les tombes royales telles qu'elles se trouvent encore actuellement.

 

 

Outre les nombreuses œuvres d'art liées à la nécropole, la basilique abrite également le premier orgue construit par Aristide Cavaillé-Coll. Cet instrument, conçu en 1840 par ce facteur d'orgue alors âgé de vingt-trois ans, comportait un nombre considérable d'innovations qui en faisaient un prototype unique au monde, ouvrant l'ère de l'orgue romantique (bien qu'il s'inscrive encore largement dans la tradition de l'orgue classique français). Doté de soixante-neuf jeux répartis en trois claviers et pédalier (mais sur quatre plans sonores manuels), il a été conservé presque intégralement dans son état d'origine, et est sans doute l'un des plus beaux instruments de France.

 

La basilique a été promue cathédrale lors de la création du diocèse de Saint-Denis-en-France en 1966.

Malgré la réfection du chevet, le maire de Saint-Denis a déploré à l'occasion des Journées du Patrimoine 2006 l'absence de projets de réfection de la façade sud (14 millions d'euros), de la pierre er des portails romans de la façade ouest, alors que des vitraux sont remplacés depuis trois ans par du plastique.

 

 

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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 21:56

*      La vénération orthodoxe de saint Denis

*      Diacre Nikolaï Nikichine. «Saint Denis, fut-il le premier évêque de Paris?»

 

Les articles sont traduites du russe par Maxim Sher.

 

«L’un des siens à l’étranger» Diacre Nikolaï Nikichine

 

Il est toujours agréable de rencontrer l'un des "siens" à l’étranger. Une telle rencontre n’a pas forcément lieu dans notre espace-temps présent. C’est avec joie que nous relisons les exploits passés de notre compatriote. Sa vie, ses épreuves et la gloire dont il s’est couvert nous deviennent proches et nous apportent un certain confort.

 

Nous évoquerons ici le surprenant destin de notre compatriote céleste, le saint martyr Denis l'Aréopagite. Nous narrerons la partie française de sa vie à laquelle nous avions accorde peu d’importance lorsque nous vivions en Russie. Son importance exceptionnelle pour l'Église chrétienne en France, pour la formation de la monarchie française ne peut être saisie et évaluée que de l'intérieur, à l'aide des témoignages des historiens français et des zélateurs de la mémoire de saint Denis.

 

Depuis le critique rationaliste des Lumières, depuis les massacres de la Révolution, saint Denis a été oublié et l’on peut dire qu'en France non seulement les intellectuels "ont perdu la mémoire" mais, plus tragique encore, le peuple français. Mais le flambeau ne peut pas être caché sous le boisseau.

 

I Au nord de Paris, près du terminus de métro se trouve une église-musée – la basilique Saint-Denis. D'après les guides, elle est avant tout la première cathédrale gothique, celle qui a marqué le début d'un nouveau courant dans l'architecture religieuse ; elle est aussi nécropole des rois de France. En relisant un manuel d'histoire on apprendra que du VIIe au XVIIIe siècle il y eut ici l’abbaye Saint-Denis dont l'importance pour la France, surtout du VIIIe au XVIe siècles, est comparable à celle de la Laure Sainte-Trinité-Saint-Serge pour la Russie.

L'église, puis le monastère s’élevèrent à l'endroit même où furent enterrés saint Denis, premier évêque de Paris, et ses compagnons – le prêtre Rustique et le diacre Eleuthère qui achevèrent leur mission terrestre en recevant la couronne du martyre.

L'histoire de la basilique est un témoignage du culte que le peuple français rendit à son père spirituel tout comme celui de la participation ininterrompue de saint Denis à la vie de la France durant des siècles.

 

II Clovis, le premier roi des Francs, qui se convertit au christianisme avec ses troupes en 496, choisit Paris pour capitale principalement à cause de la vénération de saint Denis. Cette décision marqua le début de l'ascension du petit bourg situé dans l'île de la Cité.

Dans les chartes des rois de France à partir de la première dynastie Mérovingienne les mentions de saint Denis sont immanquablement accompagnées de la phrase notre patron particulier. Charlemagne, le fondateur de l'Empire d'Occident, disait qu'il ne retenait le royaume de France qu'avec l'aide de Dieu et aussi grâce à la protection de saint Denis. En 1120, dans la charte de Louis VI, saint Denis fut même titré « chef et protecteur de la monarchie ».

Le sacre des rois de France se déroulait à la cathédrale de Reims. Mais pendant le règne c'est à la basilique Saint-Denis qu'étaient conserves les Regalia – objets nécessaires au sacre: la couronne, le sceptre, l'épée et l'anneau – symbole de l'alliance entre le souverain et son peuple.

La basilique abritait l'oriflamme – la bannière d'État. Du XIe–XIVe siècles aucune campagne militaire ne commençait sans un service solennel avec exposition des reliques des trois martyrs et la remise solennelle de l'oriflamme au roi-capitaine.

En 1593 Henri IV choisit la basilique Saint-Denis comme cadre à la cérémonie du renoncement aux erreurs du protestantisme et de la réunification solennelle avec l'Église catholique.

Ce sont de même les moines de Saint-Denis qui furent chargés de rédiger la grande chronique – l'histoire officielle de la France d’Ancien Régime.

 

III Au cours de la "grande" Révolution française l’abbaye fut fermée, la basilique pillée. Les tombeaux furent ouverts, et les restes des rois et de leurs proches jetés dans une fosse et brûlés à la chaux vive. Nombre de tombes furent brisées.

Des 1802 cependant, Napoléon rétablissait le culte à la basilique et ordonna même d’y préparer un sépulcre pour lui-même et sa famille. Pourtant, le sort ne voulut pas qu’il reposât auprès de saint Denis.

L’abbaye ne se releva jamais de la tempête révolutionnaire. Plus qu’à l'absence de liberté, c’est avant tout à une crise profonde de la société occidentale et au dépérissement de la foi qu’il faut imputer ce fait. Les locaux monastiques accueillirent l'École de la Légion d'Honneur – établissement pour les filles dont les parents et les grands-parents étaient membres de l’ordre national le plus honorable. La basilique fut transformée en musée national et une partie seulement mise à la disposition d’une communauté catholique pour les célébrations liturgiques. Signe des temps, une messe sur deux est dite en portugais, les immigres portugais constituant actuellement la moitié des fidèles dans ce berceau du christianisme français.

 

IV L'analyse "scientifique" des biographies de saint Denis affirme qu’on ne sait de lui rien d'authentique.

Or, si l’on ignore les origines d’un personnage, en quoi il est remarquable, et ce qu’il peut pour nous, on l’oublie. Une église vide en est le résultat. Et si au Moyen Âge les foules s’écrasaient s’efforçant de toucher à tout prix les reliquaires des saints, aujourd’hui seul le guide les montre aux touristes, les présentant comme une chose drôle et un vestige du passé.

 

V Dans ce contexte particulièrement triste, c’est une antique légende occidentale (remontant à Hildouine, abbé de Saint-Denis au XIe siècle) qui vient réconforter les cœurs orthodoxes. Selon cette légende, saint Denis, premier évêque de Paris, ne serait autre que Denis l’Aréopagite, celui-la même dont il est fait mention au livre des Actes des Apôtres. Membre de l’Aréopage d’Athènes déjà avance en âge, il devint disciple de Paul lors du séjour de l’Apôtre à Athènes (Ac 17).

Selon le témoignage d’Eusèbe de Césarée, père de l'histoire de l'Église, Denis devint le premier évêque d'Athènes. Plus tard, obéissant à une révélation, il laissa l'évêché d'Athènes à son successeur Publius et vint à Rome d'où, à la demande de l'évêque de Rome Clément et accompagné par le prêtre Rustique et le diacre Eleuthère il se dirigea en Gaule pour l'illuminer de la lumière du Christ.

Jusqu'au VIIIe siècle l’Orient orthodoxe ne sut rien des exploits de Denis en Occident. C’est le patriarche Taraise, qui, ayant entendu recueilli quelques informations, envoya ses ambassadeurs en Gaule en 784 en vue d’une étude approfondie sur le séjour de saint Denis à Paris. Lorsqu'ils rentrèrent à Constantinople muni d’une attestation d'authenticité, Taraise éleva l'évêché d'Athènes au rang d'archevêché.

Des le IXe siècle le futur patriarche Méthode rédigea une vie de saint Denis en grec y incluant la légende du martyre de saint Denis à Paris. Saint Démétrios de Rostow écrivit également les vies des saints en russe en se servant des sources grecques et latines. Dans ses «Vies des saints» on trouve à la date du 3 octobre une description de l'activité de saint Denis à Athènes et de ses exploits en Occident.

 

VI Cette rencontre avec l'Orthodoxie est surtout extraordinaire non seulement par son époque mais aussi par l'origine grecque des saints car on arrive à identifier les deux Denis – celui de Paris et celui d'Athènes – à travers les passions d'une discussion tricentenaire entre les Églises sur les origines des apôtres.

Evoquons brièvement le destin des œuvres attribuées par la Tradition à saint Denis l’Aréopagite. La divine providence voulut que ces œuvres commençassent à circuler dans l'Église d'Orient à partir du VIe siècle et dans celle d'Occident – à partir seulement du IXe: en 827 les ambassadeurs de l'empereur byzantin Michel II l’Amaurien offrirent au roi français Louis le Pieux les œuvres complètes de saint Denis.

Tous les grands théologiens et philosophes occidentaux s'inspirèrent des œuvres de saint Denis. Nous ne citerons que les noms les plus connus: Albert le Grand, Thomas d’Aquin... Des savants occidentaux ont calcule que Thomas d’Aquin auraient cité saint Denis plus de 1700 fois.

Citons en conclusion le kontakion à saint Denis: « Ayant passé par l'esprit les portes célestes comme le disciple de l'apôtre qui atteignit le troisième ciel, Ô Denis, tu t'enrichit par la raison de tous ceux qui ne furent pas énoncés et tu illumina ceux qui étaient dans les ténèbres de l’ignorance. C’est ainsi que nous t’invoquons : réjouis-toi, Ô père universel ! ».

Diacre Nikolaï Nikichine.

 

Vénération orthodoxe de saint Denis à Paris 6/19 Octobre 1997

D'après le calendrier de l'Église catholique la fête de saint Denis est célébrée le 9 octobre. L'Église orthodoxe la célèbre le 3 octobre (ou le 16 octobre selon “le nouveau style”).

Le 19 octobre 1997 pour la première fois depuis des années les chrétiens orthodoxes célébrèrent un molébène dans une chapelle de la basilique Saint-Denis. Des membres de deux juridictions orthodoxes y prirent part: le Patriarcat de Roumanie était représenté par archiprêtre Marc-Antoine Costa de Beauregard, curé de l’église Saint-Germain-Saint-Cloud à Louveciennes et par le prêtre François Faure, curé de l’église Saint-Cassien-le-Romain à Aix-en-Provence. Le Patriarcat de Moscou fut représenté par archiprêtre Gérard de Lagarde, curé de l’église Notre-Dame-Joie-des-Affligés-Sainte-Geneviève à Paris, diacre Joseph Fouilleul de la même église et le diacre Nikolaï Nikichine qui dessert le métochion des Trois-Saints-Hiérarques, représentation du Patriarcat de Moscou à Paris.

Depuis lors, les molébènes orthodoxes devant les reliques de saint Denis l’Aréopagite et de ses compagnons sont devenus, grâce à Dieu, une bonne tradition.

 

30 Septembre / 13 Octobre 2002

A l'occasion de la fête de saint Denys l'Aréopagyte et sur invitation de Son Eminence le Cardinal Jean-Marie Lustiger, Archevêque de Paris, l'Assemblée des Evêques Orthodoxes de France a organisé office orthodoxe des vêpres le Dimanche 13 octobre 2002 à 17:30h à la Cathédrale Notre-Dame-de-Paris.

L'office a eu lieu, à 17h30, célébré par le p. Michel Evdokimov et l'archidiacre Job, présidé par Mgr Jérémie (Kaligeorgis) en présence de Mgr Serge (Konovaloff) et de Mgr Gabriel.

Le chœur de la paroisse Notre-Dame-Joie-des-Affligés-Sainte-Geneviève, avec quelques personnes de la paroisse Sainte-Geneviève-Saint-Martin, a chanté l'office en français, en alternance avec le clergè grec qui a chantè dans sa langue et 2 chantres arabes.

Saint Denis l'Aréopagite, fut-il le premier évêque de Paris ?

Il existe sur l’origine et la personnalité de saint Denis de Paris deux légendes qui s’excluent l'une l'autre.

La première et la plus ancienne d’entre elles fut universellement reconnue comme authentique jusqu’au XVII siècle.

Cette tradition identifie saint Denis, premier évêque de Paris à saint Denis l’Aréopagite dont il est question dans le livre des Actes des apôtres. Membre de l’Aréopage d’Athènes avance en âge, il devint disciple de l’apôtre Paul lors du séjour que celui-ci fit à Athènes (Ac 17). Ayant laissé sa femme et ses enfants il accompagna le prince des apôtres pendant trois ans.

Selon Eusèbe de Césarée, fondateur de l’histoire ecclésiastique, Denis fut le premier évêque d'Athènes. Puis, obéissant à la volonté des cieux reçue par une révélation, il laissa l’évêché d’Athènes à son successeur Publius et vint à Rome d’où, a la demande de l’évêque de Rome Clément et accompagné par Rustique et Eleuthère il se dirigea en Gaule pour l’illuminer de la lumière du Christ.

Ainsi, saint Denis vint à Paris et convertit nombre de païens à la foi en Christ. Au cours des persécutions déclenchées par l’empereur Domitien, saints Denis, Rustique et Eleuthère furent capturés et livrés au martyre.

Denis fut battu longuement et atrocement, soumis au supplice du fer brûlant, livré aux bêtes afin qu’il acceptât de sacrifier aux dieux païens. Mais ni lui, ni Rustique, ni Eleuthère, qui furent aussi impitoyablement torturés, ne plièrent pas et demeures miraculeusement vivants, ils confessaient le Christ, vrai Dieu. Ils furent condamnés à la décapitation.

La mort de saint Denis est marquée d’un glorieux miracle. Grâce à l’intervention divine, le corps décapité du saint se mit debout, saisit sa tête et marcha environ six kilomètres jusqu’une bourgade qui devint par la suite Saint-Denis. Là, il tendit sa tête à une pieuse femme nommée Catulla, de noble souche romaine, et tomba indiquant ainsi l’endroit où la sainte dépouille devait être inhumée.

Beaucoup de païens qui virent ce miracle crurent en Christ. Plus tard, lorsque les persécutions des chrétiens cessèrent, une église fut aménagée à l’emplacement du tombeau de saint Denis. Nombre de miracles y eurent lieu à la gloire de Dieu.

Telle est la première légende.

***

La seconde légende ne date que du XVIIe siècle mais c’est elle qui est exposée dans les encyclopédies modernes et qui est considérée comme historique tandis que la première n’est mentionnée que comme pure fiction. La conclusion que le lecteur moderne peut tirer des publications de référence qui existent aujourd’hui, sera probablement négative: selon cette version nous ignorons tout de la vie du premier évêque de Paris sauf qu’il fut évêque pendant la seconde moitié du IIIe siècle et que son évêché se termina par le martyre.

Cette explication aujourd’hui très répandue ne permet pas d’expliquer du point de vue spirituel les causes d’une si grande vénération de saint Denis en l’Occident et en particulier, en France.

Il était vénéré par les rois: ainsi en 1120 Louis VI accorda à saint Denis le titre de « chef et protecteur de la monarchie ».

Les saints des époques les plus différentes firent le pèlerinage de Saint-Denis afin de rendre hommage à la tombe du premier évêque de Paris. Parmi eux sainte Geneviève (Ve siècle), saint Eloi de Noyon (VIIe siècle), saint Médéric (VIIIe siècle). Saint Denis était aussi vénéré par des personnalités pieuses comme Bernard de Clairvaux (XIIe siècle), Jeanne d’Arc (XVe siècle) et, bien sûr, par des gens simples. Le plus grand témoignage en reste la gigantesque basilique qui fut bâtie dans un petit village pour abriter les foules de pèlerins.

Si l’on admet que nous ne connaissons rien de la personnalité et de la vie du premier évêque de Paris, comment alors nourrir notre prière à saint Denis? La version “scientifique” de la vie de saint Denis ne permet pas non plus d’expliquer pourquoi, à partir du IXe siècle, les théologiens occidentaux firent des efforts titanesques pour comprendre les œuvres mystiques particulièrement difficiles attribuées à saint Denis l’Aréopagite. On peut aussi affirmer que ces savants s’inspiraient aussi de l’exploit de son sacerdoce ici en Europe Occidentale, en France.

 

***

Si, retroussant ses manches, on se hasarde à étudier les arguments des détracteurs de la page parisienne de la biographie de saint Denis l’Aréopagite, on s’aperçoit que leur base scientifique est très faible. Ces mêmes arguments furent d’ailleurs démentis par les recherches scrupuleuses d’historiens de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle.

Dans l’hagiographie occidentale moderne comme dans les sciences laïques il est admis que la christianisation de la Gaule (France) n’eut lieu qu’a une époque relativement tardive, au milieu du IIIe siècle. A cela plusieurs raisons. La principale tient sans doute à ce que l’Église catholique d’aujourd’hui a procède à une révision de la Tradition dans l’esprit de la rationalisation propre aux temps modernes. Cette révision fut effectuée, expliquent ses promoteurs, en tenant compte des donnés scientifiques et historiques. Une des conséquences les plus regrettables du point de vue orthodoxe est sans doute que saint Nicolas de Myre en Lycie, notre bien aimé Nicolas le Thaumaturge, fut "rétrogradé": des saints universellement vénérés il fut mis au rang des saints locaux. Même à l’égard d’un saint si illustre on nous propose pratiquement de choisir entre croire et ne pas croire. Sainte Catherine eut encore moins de chance: elle fut totalement exclue du calendrier ecclésiastique. Les vies de ces saints semblèrent aux théologiens occidentaux contemporains trop "légendaires" (c’est-à-dire fictives) et de plus trop tardives, parce que rédigées plusieurs décennies après le trépas de saint Nicolas et de sainte Catherine.

La seconde raison tien à ce que la polémique concernant la personnalité de saint Denis surgit au milieu de la critique sur le sens même de l'Église et parmi les doutes sur ce qui constitue les fondements de la doctrine chrétienne. Cette situation évolua très naturellement jusqu'au siècle des lumières où l’on se mit déjà à bafouer ouvertement l’Église, le Christ, Dieu, les sentiments religieux des croyants, les sacrements et rites proclamant tout cela "obscurantisme".

Et jusqu’à nos jours la société occidentale s’inspire plutôt des idées des lumières que de celles du christianisme. On n’y voit toujours ni "changement d’orientation" ni à plus forte raison de modification de la conscience laïque.

C’est en tenant compte de ces éléments, qu’on comprendra pourquoi dans l’Église catholique d'aujourd’hui ne s’élève aucune voix pour la "réhabilitation" de saint Denis de Paris et pourquoi la conscience publique et scientifique est plutôt hostile à toute "restitution" de l’Église – et ceci en dépit de la vérité.

 

***

Il faut soulever la question de la place du premier évêque de Paris dans l’assemblée des saints, celle de disciple de l’apôtre Paul, témoin et participant de l’ensevelissement de la Vierge, et rendre à l’Église de Paris – sa dignité apostolique.

Le résultat d’un silence séculaire sur la vraie dignité de l'évêque de Paris Denis l’Aréopagite, est aujourd’hui évident: la cathédrale placée sous son invocation est vide – au mieux, elle est visitée par curiosité, rarement par piété.

Les chrétiens orthodoxes doivent-ils rester prisonniers des "conclusions" de la science historique occidentale qui s’oppose à la tradition en humiliant l'Église et la foi devant la "raison rationaliste"?

A plus forte raison, nous ne devons pas accepter la position réticente adoptée aujourd’hui par l’Église catholique à l’égard de sa propre histoire. Celle-ci comporte en effet beaucoup de contradictions avec les arguments de la "raison" rationaliste mais il y a là infiniment moins de "ténèbres" que ne le clamaient par les Lumières.

***

Les grands saints orthodoxes connaissaient déjà l’origine glorieuse de saint Denis de Paris. Dans leurs œuvres ils confirmèrent l’authenticité de l’antique légende parisienne sur le premier évêque de Paris.

Saint Méthode, patriarche de Constantinople, fut l’auteur de la première biographie de saint Denis l’Aréopagite en grec qui comprenait un récit de son martyre à Lutèce (aujourd’hui Paris).

Saint Michel le Syncelle qui souffrit des iconoclastes fut l’auteur d’un Panégyrique de saint Denis l’Aréopagite: il admirait la mort glorieuse du premier évêque d'Athènes.

Saint Siméon le Métaphraste, auteur remarquable des "Vies des saints", après avoir étudié les sources sur la vie de saint Denis l’Aréopagite, inclut dans sa biographie un récit sur l'apostolat de Denis sur le sol gaulois.

Saint Démétrios de Rostow, hiérarque de l’Église, fut l’auteur éminent du répertoire le plus complet des vies de saints. Il connaissait les doutes qui circulaient déjà en l’Occident sur l’identité du premier évêque de Paris avec Denis l’Aréopagite. Mais il parla toutefois dans la biographie de saint Denis d’une "page occidentale" de sa vie en révélant également le miracle de "céphalophorie" (port de tête) qui suscita tant de racontars et de perplexité chez les savants et penseurs de l’époque moderne.

 

***

Après que le 19 octobre 1997 pour la première fois depuis bien des années un molébène fut célébré par le clergé orthodoxe à la basilique Saint-Denis, l’archiprêtre Marc-Antoine initia les pèlerins français assistant à l’office aux fondements de la doctrine orthodoxe sur les saintes reliques.

Les saintes reliques sont d’une part un indice de la présence de nos patrons célestes parmi nous, ici-bas. D’autre part, imprégnées de la grâce reçue par ces saints pour leurs exploits terrestres, leurs reliques deviennent elles-mêmes une source de miracles, une aide moyen puissante à tous les croyants dans leur vie spirituelle.

L’initiation à la glorieuse vie de saint Denis de Paris, à l’histoire de sa vénération fit forte impression sur les pèlerins qui visitèrent la basilique Saint-Denis.

La plupart des orthodoxes vivant en Occident sont d’origine russe ou grecque. Pour ceux d’entre eux qui entendirent parler de saint Denis ce jour-là, il fut particulièrement réconfortant de savoir que le fondateur de l’Église à Paris était originaire d’Orient. Et pour les Parisiens orthodoxes c’est une découverte réjouissante que le patron céleste de la monarchie française et de leur nation ne fut nul autre que le disciple de l’apôtre qui atteignit le troisième ciel, qui passa lui-même par l’esprit les portes célestes, père universel saint Denis l’Aréopagite.

Ayant près de nous des alliés spirituels invisibles, prions, chers frères et sœurs, pour que saint Denis se souvienne comme par le passé de la France et de son peuple, pour qu’il nous pardonne notre négligence envers ses saintes reliques, notre oubli de sa mémoire et de ses préceptes salutaires.

 

Ô saint Denis, prie Dieu pour nous !

Diacre Nicolas Nikichine

 

*La galerie d'images, dédié à Saint Denis l'Aréopagite

 

date de publication : 10/05/2003

 

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Published by Sur les Pas des Saints - dans Saint Denis
8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 21:51

 

Annoncé par Brigitte, la voyante du Nord, Denys paraît comme le flambeau le plus brillant de cette constellation des mystiques sacrés qui illumine le Cycle à son déclin des premières lueurs de l'union éternelle. Bientôt, près de lui, nous saluerons Thérèse de Jésus, précédant Pierre d'Alcantara son guide ; tandis que des ombres de sa nuit mystérieuse, Jean de la Croix s'élèvera le mois prochain dans la gloire, au voisinage de Gertrude la Grande.

L'Homme-Dieu commença par agir, avant de formuler sa doctrine (1) ; ainsi l'Eglise a-t-elle, dans son Année liturgique, multiplié les exemples donnés par les Saints, en attendant de codifier par la plume des Saints mêmes les lois de la sainteté. On dirait que, forte à ses propres yeux des résultats acquis, elle se repose maintenant dans la sécurité que donne l'expérience. Comme au Propre du Temps, dont celui des Saints est l'écho fidèle, elle laisse donc carrière à son désir de voir ses fils comprendre avec les Saints la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur du mystère

 

1. Act. I, 1.

 

425

 

supérieur à toute science, pour être eux-mêmes enfin remplis de toute la plénitude de Dieu (1). N'est-ce pas là l'œuvre bonne dont l'Apôtre implore en chacun de nous la consommation, pour ce dernier des jours (2) auquel l'évolution des semaines après la Pentecôte nous prépare désormais ? Justice parfaite, fruit de l'amour en son plein développement. Mais le développement de l'amour ne va pas sans celui de l'âme en toute sagesse et intelligence spirituelle (3) ; et ce discernement du meilleur (4), dont parle saint Paul, ne s'acquiert que dans le commerce des Saints ou l'étude de leurs œuvres (5).

Or donc, initiateur incomparable, Denys préside aujourd'hui l'assemblée fidèle. Avec l'Orient et l'Occident, faisons silence : parler convient au maître, écouter au disciple (6).

« Toute grâce excellente, tout don parfait est d'en haut, et descend du Père des lumières (7). Toute émanation de splendeur que la céleste bienfaisance laisse déborder sur l'homme, réagit en lui comme principe de simplification spirituelle et de céleste union, et par sa force propre, le ramène vers l'unité souveraine et la déifique simplicité du Père. Car toutes choses viennent de Dieu et retournent à Dieu (8).

« Par cela même qu'elles sont, les choses inanimées participent de Dieu, qui par la sublimité de son essence est l'être de tout; les choses vivantes  participent de  son énergie vitale,  supérieure

 

1. Eph. III, 18-19; Epître du XVI° Dimanche ap. la Pentecôte. — 2. Philipp. I, 6-11 ; Epître du XXII° Dim. ap. la Pentec. — 3. Col. I, 9-14; Epître du dernier Dim ap. la Pentec. — 4. Philipp. I, 10. — 5. Ibid. III, 17; Epître du XXII° Dim. ap. la Pentec — 6. S. P. Benedicti Reg. VI. — 7. Jac. I, 17.— 8. Rom. XI, 36; Dionys. De cœlesti hierarchia, I, 1, traduction Darboy.

 

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à toute vie ; les êtres raisonnables et intelligents participent de cette sagesse qui surpasse toute raison et intelligence. Les essences diverses sont d'autant plus proches de la divinité qu'elles participent d'elle en plus de manières (1).

« C'est une loi générale que les grâces divines ne sont communiquées aux inférieurs que par le ministère des supérieurs (2). L'indivisible Trinité, qui possède la divinité par nature, a établi la hiérarchie pour la déification de tous les êtres , soit raisonnables, soit purement spirituels. Car le salut n'est possible que pour les esprits déifiés (3).

« La déification n'étant que l'union et la ressemblance qu'on s'efforce d'avoir avec Dieu (4), le but de la hiérarchie est d'assimiler et d'unir à Dieu (5) : avant tout par l'éloignement absolu de ce qui est contraire à son amour; parla science des vérités sacrées ; parla participation à la simplicité de celui qui est un et le banquet mystique de l'intuition (6).

« L'ordre de toute hiérarchie est donc que les uns soient purifiés et que les autres purifient, que les uns soient illuminés et que les autres illuminent, que les uns soient perfectionnés et que les autres perfectionnent (7). Toute fonction qu'elle impose tend à la double fin de recevoir et de donner pureté, lumière, sainteté parfaite (8).

« La première hiérarchie des esprits bienheureux participe au premier écoulement qui se fait des vertus de Jésus, suprême initiateur, et l'imite d'une façon plus relevée (9). A cette première hiérarchie obéit la deuxième; celle-ci commande

1. Dionys. De cœlesti hierarchia, IV, I—2. Ibid. VIII, II — 3 De ecclesiastica hierarchia, I. III. IV — 4. Ibid. — 5. De cœlest. hier. III, II. — 6. De eccl hier I, III — 7. De cœlest.  hier. III, II. —  S  Ibid. VII,  11. —  9. Ibid.

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à la troisième ; et la troisième est préposée à la hiérarchie des hommes. Et ainsi, par divine harmonie, elles s'élèvent l'une par l'autre vers celui qui est le principe et la fin de toute belle ordonnance (1).

« Comme chaque hiérarchie comprend des puissances de trois degrés divers, chaque degré offre aussi ce merveilleux accord ; et l'on doit distinguer en toute intelligence humaine ou angélique des facultés correspondant aux trois ordres qui sont propres à chaque hiérarchie. C'est en traversant ces degrés successifs que les esprits participent, en la manière où ils le peuvent, à la pureté, à la lumière et à la perfection sans bornes. Car rien n'est parfait de soi ; rien n'exclut la possibilité d'un progrès ultérieur, sinon celui qui est la perfection primitive et infinie (2).

« Mais pour les bienheureuses essences qui habitent les cieux, qui n'ont rien de sensible et de corporel, ce n'est point par l'extérieur que Dieu les attire, et les élève aux choses divines; il fait étinceler au dedans d'elles-mêmes les purs rayons et les splendeurs intelligibles de son adorable volonté. Par contre, ce qui leur est ainsi départi directement et dans l'unité, nous est transmis, à nous, comme en fragments et sous la multiplicité de symboles variés (3) : dans les divins oracles ; dans les figures dont notre hiérarchie, se conformant à la nature humaine, enveloppe pour nous le mystère de la régénération divine et tous les autres saints mystères (4) ; dans l'ordonnance de l'univers, où reluisent les images et vestiges des idées divines (5).

1. De cœlest. hier. X, I. — 2. Ibid. II, III. — 3. De ceci, hier. I, IV. — 4. Ibid. I-VII.— 5. De divinis Nominibus, VII, III.

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« Or, si toutes choses parlent de Dieu aux hommes, aucune pourtant n'en parle bien ; il est accessible à l'entendement, à la raison, à la science ; on le discerne par la sensibilité, par l'opinion, par l'imagination ; on le nomme enfin : et d'autre part, il est incompréhensible, ineffable, sans nom. Tout le révèle à tous, et rien ne le manifeste à personne (1). Tout s'affirme de lui, comme cause universelle (2); comme dépassant toute expression, tout s'en nie mieux encore (3).

« Et c'est pourquoi plusieurs, dans leur marche vers Dieu, non contents de ne s'attarder pas à ce point de départ des sens extérieurs qui s'impose à notre nature, s'élèvent plus haut que les opérations multiples du raisonnement et du discours. Comme les sens sont de trop lorsque l'âme s'applique aux choses intelligibles par l'entendement pur, la puissance intellectuelle devient elle-même inutile, lorsque l'âme divinisée se précipite, ignorante sublime, oubliant tout, dans les abîmes de la sagesse insondable. L'adhésion simple des natures angéliques à celui qui dépasse toute connaissance, est devenue le propre de ces âmes ; émules des anges, elles ont atteint le but de toute hiérarchie, en s'unissant aussi pleinement qu'il est possible à Dieu (4).

« Guide des chrétiens dans la sagesse sacrée, Trinité souverainement bonne, conduisez-nous à cette hauteur où toute lumière est surpassée : obscurité qui rayonne en splendides éclairs et, ne pouvant être vue ni saisie,  inonde  cependant

1. De divinis Nominibus, VII, III. — 2. Ibid I-XIII. — 3. De mystica Theologia, I-V, — 4. De div. Nom. I, V ; IV, IX, XI ; VII, III ; XIII, III.

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de la beauté de ses feux les esprits saintement aveuglés (1). »

Siérait-il de rien ajouter? Remarque déjà faite (2) : en cette saison qui prépare le monde au suprême avènement de l'Epoux, l'Eglise elle-même modère sa voix. Combien mieux devons-nous l'imiter, aujourd'hui que le divin Aréopagite s'écrie sous le poids de son impuissance : « Nos locutions sont d'autant plus abondantes qu'elles conviennent moins à Dieu. A mesure que l'homme s'élève vers les cieux, le coup d'œil qu'il jette sur le monde spirituel se simplifie, et ses discours s'abrègent; au voisinage du sommet, non seulement les paroles se font plus concises, mais le langage, mais la pensée même arrivent à faire défaut. Précédemment, notre discours allait s'étendant en proportion de la hauteur d'où il descendait ; s'élevant de bas en haut, il doit se raccourcir d'autant et, parvenu au dernier terme, il cessera tout à fait pour s'aller confondre avec l'ineffable (3). »

Rome cependant va nous dire comment, venu d'Athènes en nos régions, le révélateur des célestes hiérarchies féconda de son sang généreux la semence répandue par lui dans la future capitale du pays des Francs. Riche de son très saint corps, l'humble bourgade devenue Saint-Denys en France l'emporta longtemps sur Lutèce, sa voisine, en renommée. Notre patrie rendait en gloire à son apôtre le dévouement qu'il lui avait montré ; il sembla que, dans une inspiration chevaleresque, elle eût pris à tâche de compenser l'adieu qu'il avait dit pour elle  aux grands

1. De myst. Theol. I, I — 2. Fête de la Décollation de S. Jean-Bapt , p. 124. — 3. Dionys. De myst. Theol. III.

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souvenirs du sol natal. On sait l'immense concours du peuple au saint tombeau, et surtout la piété des rois. L'oriflamme, bannière du Martyr, fut leur étendard ; Mont-Joye Saint-Denys, leur cri de guerre sous tous les cieux où les conduisait la victoire. Comme, durant cette vie, ils ne quittaient point le royaume sans remettre sa garde au protecteur des lis de France en son abbaye, c'était encore à lui qu'au sortir de ce monde, on les voyait confier leurs restes mortels. Malgré de sacrilèges profanations, la nécropole auguste réserve à la terre, pour le dernier jour, un spectacle sublime: alors que sous les yeux d'Adrien césar et de ses préfets, le supplicié de Montmartre, le condamné qu'ils vouèrent à l'infamie, se lèvera de sa tombe escorté des trois dynasties fières de former sa cour en la résurrection, comme elles s'honorèrent de l'entourer dans la mort. Vos serviteurs sont honorés jusqu'à l'excès, à Dieu (1) !

1. Psalm. CXXXVIII, 17.

Le récit de l'Eglise romaine touchant saint Denys et ses Compagnons est conforme à celui de l'Eglise grecque en ses Menées, bien que le m octobre soit pour celle-ci le jour de leur fête.

 

Denys était d'Athènes, et l'un des juges de l'Aréopage. Son instruction était complète en tout genre de science. Encore païen, on raconte que témoin de la miraculeuse éclipse de soleil arrivée le jour où fut crucifié le Seigneur, il s'écria: Ou le Dieu de la nature souffre, ou le système du monde se détruit. Paul étant donc venu à Athènes, et ayant rendu compte de la doctrine qu'il prêchait dans l'Aréopage où on l'avait conduit, Denys et beaucoup d'autres crurent au Christ dont l'Apôtre annonçait la résurrection comme prémices de celle de tous les morts.

 

Saint Paul le baptisa et lui remit le gouvernement de l'église d'Athènes. Venu plus tard à Rome, il reçut du Pontife Clément la mission d'aller prêcher l'Evangile en Gaule et pénétra jusqu'à Lutèce, ville des Parisiens, en la compagnie du prêtre Rustique et du diacre Eleuthère. Il y convertit beaucoup de monde à la religion chrétienne, en suite de quoi le préfet Fescennius le fit battre de verges avec ses compagnons. Sa constance a prêcher la foi n'en étant nullement ébranlée, ils passèrent ensemble par le supplice du gril ardent et beaucoup d'autres.

Mais comme ils affrontaient avec courage et joie tous ces tourments, Denys, âgé de cent un ans, fut avec les autres frappé de la hache le sept des ides d'octobre. On rapporte de lui que prenant dans ses mains sa tête tranchée, il la porta l'espace de deux milles. Il a écrit des livres admirables et tout célestes, sur les Noms divins, la Hiérarchie céleste, la Hiérarchie ecclésiastique, la Théologie mystique, et quelques autres.

 

Honneur à vous en ce jour de victoire ! honneur au Docteur des nations qui vous reçoit comme sa très noble conquête au seuil de l'éternité ! Quel ne fut pas, dès la première heure, l'élan de votre âme vers ce Dieu inconnu (1) que l'Apôtre découvrait enfin aux longues aspirations de votre riche et droite nature ! Aux ténèbres du polythéisme, aux doutes de la philosophie, aux trop vagues lueurs de confuses traditions succédait subitement la lumière, et son triomphe était complet. Platon, devenu en vous chrétien, voyait s'élargir ses horizons, se rectifier ses formules, et leur magnificence devenir le digne vêtement de la vérité. Lui aussi se faisait apôtre : la distinction du grec et du barbare, loi du vieux monde, s'effaçait pour lui dans l'origine commune assignée par Paul à tous les peuples (2); tandis qu'esclaves et libres s'embrassaient, aux regards de sa foi, dans cette noblesse qui fait du genre humain la race de Dieu (3),  la charité, qui débordait en son

1. Act  XVII, 23. — 2. Ibid. 26. — 3. Ibid. 29.

 

P. 433

cœur, n'y laissait plus que l'immense pitié de Dieu lui-même pour les longs siècles de l'ignorance où l'humanité s'était vue plongée (1).

Ainsi dans votre zèle, vous prêtant au souffle de l'Esprit comme la nuée chargée des bénédictions du Seigneur (2), apportiez-vous la fertilité jusqu'aux terres de l'extrême Occident ; ainsi, père de notre patrie, nos pères apprenaient ils de vous à chercher Dieu,à le trouver, à vivre en lui (3) ; ainsi notre lointaine Eglise n'avait-elle point à jalouser les premières, bâties sur le fondement des Prophètes et des Apôtres (4). O pierre de choix, bonne aux fondations (5), si intimement unie à la pierre d'angle que toute construction qu'elle porte s'élève en un temple saint du Seigneur : nous aussi, bâtis sur vous, nous sommes par vous la maison de Dieu (6).

O Denys, réveillez en nous les germes divins. Rendez Paris et la France à leurs traditions, oubliées dans la fièvre du lucre et des plaisirs. Ramenez Athènes à la communion du vicaire du Christ, indispensable condition de l'union au Seigneur. A toute église sous le ciel obtenez les pasteurs dont vous traciez le portrait dans ces lignes, en révélant ce que vous étiez vous-même : « Par la sainte dilection qui nous entraîne vers lui, Jésus calme la tempête des soucis dissipants, et rappelant nos âmes à l'unité de la vie divine, nous confirme dans la fécondité permanente de ce noble ministère. Bientôt, par l'exercice des fonctions sacrées, nous approchons des anges, essayant de nous placer comme eux dans un état fixe d'immuable sainteté. De là, jetant le

1. Act. XVII, 3o. — 2. Isai. LX, 8. — 3. Act. XVII, 27-28. — 4. Eph. II, 20. — 5. Isai. XXVIII, 16. — 6. Eph. II, 20-22.

 

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regard sur la divine splendeur de Jésus béni, et enrichis de la science profonde des contemplations mystiques, nous pouvons être consacrés et consacrer à notre tour, recevoir la lumière et la communiquer, devenir parfaits et mener les autres à la perfection (1). »

1.    Dionys. De eccl  hier. I, I.

 

Ivre V de l’année Liturgique de Dom Guéranger de l’abbaye de Solesmes
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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 21:48

 

 

Historique

 

Les Parisiens faisaient autrefois un pèlerinage à saint Denis qui fut leur premier évêque, à travers la ville. La première station était la crypte de Notre-Dame-des-Champs, où l'on disait que saint Denis avait enseigné le culte de la Sainte Vierge. Il existe encore, à l'emplacement de l'ancien prieuré, une crypte, rétablie et ornée par les Carmélites du siècle dernier, mais l'accès n'en est plus public. La seconde station était à l'église Saint-Etienne-des-Grés, qui exposait la crosse de saint Denis. Puis on allait à Saint-Benoît-le-Rétourné, dans la crypte où saint Denis aurait dit la messe et prêché le mystère de la Trinité. A Saint-Denis-du-Pas, il aurait subi un premier supplice. Saint-Denis-de-la-Chartre était la prison où il avait reçu la communion miraculeusement. On visitait ensuite à Montmartre la chapelle du Martyrium, pour terminer par la station au tombeau de Saint-Denis.

 

Saint Denis et ses compagnons furent suppliciés à deux lieues de Paris et, selon l'usage du temps, on les enterra à l'endroit même où ils étaient morts. Au V° siècle, sainte Geneviève et les clercs de Paris font bâtir une église sur ce tombeau, qui devint la célèbre abbaye que Dagobert restaura. Le premier nom d'abbé qui nous soit parvenu est celui de Dodon. Les religieux pratiquaient la psalmodie perpétuelle, comme à Saint-Maurice d'Agaune ou à Saint-Martin de Tours. Pépin le Bref et Charlemagne, puis Suger restaurent le monument. Saint Odilon au IX° siècle, Suger au XI° réforment les moines. Saint Denis fut très particulièrement le protecteur du royaume des premiers capétiens ; l'oriflamme était confiée à sa garde et le cri de guerre des Français l'invoquait. Les Valois, ensuite, se confièrent aussi à saint Michel archange, mais l'apôtre de Paris ne fut pas délaissé. Une coutume symbolique voulait que ce fût devant l'autel de saint Denis, à Notre-Dame de Paris, à gauche, en avant du chœur, que les nouveaux docteurs de Sorbonne fissent serment sur les Evangiles de défendre la religion catholique jusqu’à effusion du sang. Cette coutume fut respectée jusqu'à la fin de l'ancien régime. Elle explique la vénération pour saint Denis d'un grand nombre de clercs parisiens de M. Bourdoise à Bossuet.

 

Après une longue décadence, la réforme de Saint-Maur est introduite au monastère en 1633. La Révolution ravage la nécropole royale et il s'en faut de peu que la basilique soit abattue. Napoléon I° affecte les bâtiments de l'abbaye aux jeunes filles de la Légion d'honneur et fonde pour l'église un chapitre qui ne survivra guère au second Empire.

 

Avant la Révolution, l'abbatiale possédait beaucoup de reliques. Celles de saint Denis et de ses compagnons étaient élevées au fond du sanctuaire, derrière l'autel, dans trois châsses d'argent si ancien qu'il ressemblait à du plomb, et qui dataient du XI° siècle. Tous les sept ans, le 1° mai, le chef de saint Denis était porté solennellement au Martyrium de Montmartre. Au XVIII° siècle le prieur de Saint-Denis demande à l'abbesse d'y renoncer parce qu'il pleut et que ses moines seront mouillés. Mme de la Rochefoucauld répond : « Ils auront sept ans pour se sécher. »

 

C'était une tradition tardive, mais communément admise, qui avait fixé la place du supplice. L'abbaye de filles avait été fondée en 1133 par la reine Adélaïde, épouse de Louis VI. Innocent III avait dédié le grand autel en l'honneur des saints martyrs Denis, Rustique et Eleuthère (1° juin 1147). Le tombeau de la reine Adélaïde était devant cet autel. La chapelle du Martyrium, à mi-côte de la butte, avait appartenu aux Benédictins de Saint-Martin-des-Champs ; Louis VI le Gros la donna aux dames de Montmartre, qui la firent desservir par des chapelains. Vers 1600, elle tombait en ruines. La grande abbesse réformatrice, Marie de Beauvilliers, qui gouverna l'abbaye près de soixante ans, entreprit de la restaurer.

 

En 1611, creusant des fondations, les terrassiers remirent à jour un escalier qui conduisait à une crypte ancienne : celle même, dit-on, où saint Denis avait souffert. Un grand mouvement de curiosité et de piété se fit autour de cette découverte. On décida que le Martyrium serait agrandi et enfermé dans la clôture du monastére : on y bâtit une église surmontée d'un dôme, et un prieuré. Il y eut dès lors deux communautés de religieuses à Montmartre, celle d'en haut et celle d'en bas ; une galerie longue de près de quatre cents mètres, tout entière couverte et voûtée, les relia. En 1686, toutes les religieuses s'installèrent en bas, abandonnant les vieux bâtiments du sommet de la butte au personnel de service. Le chœur de l'église d’en haut fut cédé à la paroisse de Montmartre, qui en occupait déjà la nef. L'abbaye et l'église d'en-bas ont été entièrement démolies par les révolutionnaires. La dernière abbesse de Montmartre, Marie-Louise de Montmorency-Laval, âgée de soixante-et-douze ans, fut condamnée à mort et guillotinée le 23 juillet 1794  (5 thermidor an II), à la barrière du Trône. Sourde et paralysée de tous ses rnembres, après avoir été expulsée de son abbaye, elle passa quelque temps à Saint-Denis et trouva un asile momentané au château de Bondy chez la marquise de Crussol d'Amboise. Sans égard pour son âge et pour ses infirmités, elle fut arrêtée et emprisonnée à Saint-Lazare. C'était une sanglante ironie que de condamner à mort cette vieille femme impotente comme ayant voulu s'échapper de Saint-Lazare sur une planche jetée d'une fenêtre de la prison à une terrasse, par dessus la cour où était la sentinelle pour aller égorger ensuite les membres des deux comités. « J’ai vu, dit Sirey, en parlant de Madame de Meursin (jeune femme paralysée des jambes) et de l'abbesse de Montmartre, j'ai vu ces deux victimes descendre du tribunal pour aller à léchafaud ; on portait l'une, on traînait l'autre. » Avec elle étaient exécutés quatre prêtres : François de Maillé, grand vicaire de l’évêque du Puy, Pierre Champigny, curé de Villepinte, Pierre de Laboulbène de Montesquiou, grand vicaire de l’évêque d’Aire, et François Gigot de Boisbernier, grand vicaire de l’archevêque de Sens.

 

La colline de Montmartre fut-elle dès l'origine, pour tous ses visiteurs, un pèlerinage de saint Denis, patron de la France ? Saint Thomas Becket vient à Montmartre sans doute parce que l’abbaye a été choisie pour la rencontre du roi Louis VII et d’Henri II d'Angleterre. Cependant, par la suite, le Martyrium bénéficie de la dévotion à saint Denis qui est de tradition dans la famille royale. Charles VI y vient entre deux accès de folie ; Francois I° y demande la santé pour le dauphin, et le peuple de Paris, après la défaite de Pavie, y vient prier pour sa délivrance ; Henri IV y rend grâces le jour même de son abjuration ; on allume ensuite un grand feu de joie sur la butte, auquel tous les villages de la vallée de Montmorency répondent par d'autres feux ; Louis XIII et Louis XIV s'inscrivent à la confrérie de Saint-Denis ; les reines sont liées d'amitié avec l'abbesse Marie de Beauvilliers ; et mieux encore les religieuses réformatrices et ferventes viennent y faire retraite et s'y inspirer. Ainsi c'est à Montmartre que Mlle. de Blosset trouve l'idée de fonder sa Société des Filles de Sainte-Geneviève. Du XV° au XVIII° siècle un grand nombre de paroisses y montent en processions à dates fixes. Pendant la guerre de Cent ans, le 6 juin 1412, une immense procession d'hommes et d'enfants pieds nus, portant des cierges, va en chantant au Martyrium pour « crier merci à monseigneur saint Denis et demander par ses mérites la paix au Dieu tout-puissant. »

 

A Saint-Denis de la Chartre, la prison, disait-on, où saint Denis avait été incarcéré, ses chaînes y étaient exposées. L'église était fort ancienne, voûtée lourdement et en contrebas de la rue ; on y descendait par des marches. Elle était  voisine des prisons de la Cité dès le VII° siècle. Selon la vie de sainte Geneviève, il y avait dans la Cité un sanctuaire consacré à saint Denis, où elle passait avec ses compagnes les vigiles du samedi au dimanche. Des clercs séculiers desservent cette église au XI° siècle. Plus tard, le roi Louis VII la donne aux moines de Saint-Martin-des-Champs en échange du prieuré de Montmartre, qui est attribué à des religieuses. Longtemps, il y eut dans un des côtés de la nef une petite paroisse à la nomination du prieur de Saint-Martin-des-Champs. De nombreux fripiers faisaient commerce devant cette église. Elle fut transférée en 1618 à l'église voisine de Saint-Symphorien. Son emplacement est occupé par l'Hôtel-Dieu.

 

Au chevet de Notre-Dame se trouvait Saint-Denis-du-Pas, sans doute du passage, ainsi nommée pour la distinguer de l’église précédente. On disait que saint Denis y avait souffert le supplice du gril. Un acte de 1148 la mentionne. Lors de la suppression de l'église Saint-Jean-le-Rond, au XVIII° siècle, elle avait recueilli le titre paroissial et le chapitre de celle-ci. Elle fut désaffectée en 1790 et démolie en 1813.

 

L'église Saint-Denis-de-la-Chapelle est elle aussi fort ancienne ; on suppose qu’elle a pris la place de cet oratoire à mi-chemin entre la Cité et le tombeau de saint Denis, où sainte Geneviève et ses compagnes s'arrêtaient pour passer la nuit. La paroisse date du XIII° siècle et Jeanne d’Arc s’y arrêta en 1429 ; la nef détruite par les Anglais a été reconstruite au XV° siècle par les Abbés de Saint-Denis, qui ont dédié l'église à leur patron.

 

Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, à l’angle de la rue de Turenne et de la rue Saint-Claude, est plus récente. Sur l’emplacement de l’hôtel du comte de Turenne, vers 1684, on avait construit un couvent pour les Bénédictines du Saint-Sacrement qui fut supprimé en 1790. L’église fut rendue au culte en 1802. Rachetés par la ville, les bâtiments furent rasés (1823) et l’architecte Godde fut chargé de reconstruire une église qui fut consacrée le 19 avril 1835.

 

A Notre-Dame, saint Denis portant son chef figure entre deux anges, parmi les statues du portail occidental ; l'image est du siècle dernier, mais elle en remplace une autre du moyen âge, détruite par la Révolution. Au transept, contre le pilier gauche du chœur est un saint Denis en marbre blanc de Nicolas Coustou : un peu d'emphase dans le geste, mais il y a de la force, de la pureté, de la vie, l'image n'est pas indigne du héros. Le saint Denis agenouillé au chœur de l'église Saint-Jean-Saint-Francois vient de l'abbaye de Montmartre, il a été sculpté par Gaspard et Balthazar Marsy ; c'est peut-être en prières devant lui que Mlle. de Blosset, fondatrice, en 1636, de la communauté des Filles de Sainte-Geneviève, conçut qu'elle pouvait servir Dieu efficacement ailleurs que dans un cloître. Enfin, il existe à l'église Saint-Germain-l'Auxerrois un retable de la même époque où sont représentés les trois saints Denis, Rustique, Eleuthère, avec une vue du Martyrium de Montmartre ; la légende indique : « Ici est le lieu où saint Denis fut inhumé après son martyre en CCLXXII. »

 

Outre le célèbre saint Denys, fondateur de l'Eglise de Paris que saint Grégoire de Tours dit avoir été envoyé en Gaule sous l'empereur Dèce, et saint Denys d'Alexandrie dont on a parlé dimanche dernier, le sanctoral honore plusieurs autres personnages qui portent ce prénom orthographié avec un y ou avec un i : l'Aréopagite (fêté le 9 octobre) dont parlent les Actes des Apôtres et qui fut le premier évêque d'Athènes comme l'affirme Eusèbe de Césarée en rapportant saint Denys, évêque de Corinthe sous Marc-Aurèle ; un pape fêté au 26 décembre (258 + 268) ; un ancien martyr de Synnada en Phrygie fêté le 31 juillet ;  un martyr d'Héraclée, en Thrace, dont la fête est célébrée le 20 novembre ; un martyr percé de coups de lances à Pergé au II° siècle, fêté le 19 avril ; l'oncle de saint Pancrace, martyr à Rome en 304, fêté le 12 mai ; un martyr d'Alexandrie pendant la persécution de Dèce que l'on fête au 3 octobre ; un autre martyr décapité à Alexandrie que l'on fête au 14 février ; un martyr, né à Tripoli et décapité à Césarée de Palestine pendant la persécution de Dioclétien (24 mars 305) ; un martyr à Corinthe pendant la persécution de Dèce et de Valérien, fêté au 10 mars ; le premier évêque d'Augsbourg, martyrisé au IV° siècle, que l'on fête le 26 février ; un martyr dans la Petite Arménie que l'on fête le 8 février ; un évêque de Milan, exilé par les Ariens et mort en Cappadoce vers 361, fêté au 25 mai ; le sixième évêque de Vienne, fêté le 8 mai ; le bienheureux Denis Aïcon Foudgichima, serviteur du bienheureux jésuite Paul Navarro et martyrisé avec lui le jour de la Toussaint 1622, à Arima (Japon) ; le bienheureux carme Denys de la Nativité, martyrisé à Sumatra avec son confrère le bienheureux Thomas Rodriguez (29 novembre 1638) ; Denis-Claude Duval, prêtre de la paroisse parisienne de Saint-Etienne du Mont et bienheureux martyr de Septembre 1792 au séminaire Saint-Firmin

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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 21:44

SAINT DENIS L’AREOPAGITE,

Premier évêque d’Athènes et de Paris,

Saint rustique et saint éleuthère, ses compagnons,

Martyrs

 

Vers l’an 117. – Pape : Saint Alexandre. – Empereur romain : Adrien.

 Anceps carnificis contremuit manus :

 Firma mente stetit nil metuens senex.

 Christo, quem moriens praedicat, obtulit

Pulchrum canitie caput.

 

 Pendant que tremble la main du bourreau, sur le

 Visage du vieillard martyr rayonne un calme divin.

 Au Christ qu’il prêche encore de sa voix mourante,

 il offre sa tête, belle de blancheur.

Santeuil.

 

 

L’Eglise et la France n’ont rien eu de plus grand après les Apôtres que ce glorieux évêque et martyr, qui a mérité, par la hauteur de ses connaissances, d’être surnommé le céleste et le divin. Il naquit à Athènes, l’une des premières villes de la Grèce, dans la neuvième année du Fils de Dieu. Ses parents étaient des plus considérables de cette République, et ils eurent soin de lui donner une bonne éducation (autant que l’on en était capable dans les erreurs du paganisme où ils étaient plongés) et de le faire avancer dans l’étude des lettres. Lorsqu’il se fut perfectionné dans la rhétorique et la philosophie, qui étaient en grande estime dans le lieu de sa naissance, il fit un voyage à Héliopolis, en Egypte, pour y apprendre les mathématiques et l’astrologie. Ce fut là que, à l’âge de vingt-cinq ans, s’appliquant avec un soin extraordinaire à la considération des astres, avec un sophiste nommé Apollophane, il vit cette éclipse, surprenante et contraire à la nature, du soleil, au temps de la pleine lune, lors de la Passion du Fils de Dieu. « Qu’est-ce cela ? » dit-il à son ami, « que peut signifier ce prodige si nouveau et si extraordinaire ? » - « C’est un signe », répondit le sophiste, « qu’il y a quelque changement dans les choses divines ». Il assure lui-même, dans ses Epîtres à saint Polycarpe, et au même Appolophane, que cet astrologue lui avait fait cette réponse plutôt par inspiration divine que par les lumières d’une connaissance naturelle. Et pour lui, admirant de plus en plus les merveilles de ce phénomène dont il ne pouvait pénétrer la cause, il s’écria : « Ou le Dieu de la nature souffre, ou toute la machine du monde va se détruire et retourner dans son ancien chaos ». Michel Syngèle et Suidas rapportent différemment l’un et l’autre cette exclamation ; mais le sens est presque le même, et nous y voyons toujours que Notre-Seigneur jetait déjà dans son âme des semences de sa conversion et de sa vocation à la vie apostolique.

Etant retourné à Athènes, il y fut regardé comme un trésor d’érudition et de sagesse, et comme un sujet capable des principaux emplois de la République ; il y fut, en effet, bientôt élevé à une des premières magistratures qui était celles des archontes, c’est-à-dire des neuf hommes qui avaient le gouvernement de la ville. Saint Jean Chrysostome et saint Ambroise disent qu’il se maria et que Damaris, qui se convertit avant lui, selon le témoignage de saint Luc, aux Actes des Apôtres, était sa femme. D’autres croient qu’il est toujours demeuré dans le célibat. Il s’acquitta si dignement et avec une satisfaction si universelle de la charge qui lui avait été donnée, qu’on le choisit enfin pour être un des conseillers du célèbre sénat de l’Aréopage. Ce sénat était par toute la Grèce dans une très-haute réputation d’intégrité et de justice, et personne n’y avait entrée qu’il n’eût donné longtemps des preuves d’un parfait désintéressement et d’une équité tout à fait incorruptible. Il faut donc croire, ou que Denis était déjà âgé quand il y entra, ou qu’on remarqua en lui, dans sa jeunesse même, une si grande maturité de jugement, et des mœurs si bien réglées, qu’on se persuada qu’on pourrait passer en sa faveur par-dessus les règles ordinaires. Quelques auteurs grecs, Siméon Métaphraste et Michel Syngèle, assurent qu’il fut même prince de ce sénat ; et ce dernier ajoute qu’il ne faut pas s’en étonner, puisque non-seulement il était le plus éloquent des orateurs, le plus subtil des philosophes et le plus éclairé des astronomes, mais qu’il surpassait aussi tous les autres aréopagites en noblesse, en prudence et en vertu.

Voilà ce que l’antiquité nous apprend de Denis, avant qu’il fût éclairé des lumières de l’Evangile. Pour sa conversion, elle est décrite par saint Luc, au chapitre viie des Actes des Apôtres. Saint Paul, étant venu à Athènes et voyant cette ville plus plongée que toutes les autres de la Grèce dans la superstition et l’idolâtrie, s’appliqua avec un zèle incroyable à dissiper ces ténèbres en faisant connaître la vérité d’un seul Dieu. Tantôt il prêchait les Juifs dans leur synagogue, pour leur découvrir l’accomplissement des promesses de la loi dans la venue de Jésus-Christ ; tantôt il abordait dans les places publiques des Stoïciens, des Epicuriens et d’autres philosophes, pour les convaincre par des raisons évidentes de la fausseté du paganisme et de la nécessité de reconnaître un seul auteur de toutes choses.

Ces philosophes l’écoutèrent quelque temps avec patience, tâchèrent d’éluder par des subtilités la force invincible de ses arguments ; mais voyant enfin qu’ils ne pouvaient y résister et que d’ailleurs il leur annonçait une doctrine contraire aux principes de la philosophie, comme l’incarnation du Verbe et la résurrection des morts, ils le traînèrent à l’Aréopage pour y être jugé et condamné comme un semeur de nouveautés. Ce fut dans cet auguste théâtre, où les plus fortes têtes de la Grèce étaient assemblées, que ce divin Apôtre fit paraître la profondeur de son érudition et sa sagesse toute céleste. Il prit pour sujet de son discours une inscription qu’il avait trouvée dans la ville, au-dessus d’un autel, portant ces mots : Ignoto Deo : « Au Dieu inconnu » ; et il parla si excellemment de la nécessité de connaître et d’adorer ce Dieu, créateur du ciel et de la terre, qu’ils ne connaissaient point, et de quitter le culte des idoles d’or, d’argent, de pierre et de bois qu’ils avaient adorées jusqu’alors, que plusieurs se rendirent à ses raisons. Le principal de ceux qui s’attachèrent à l’Apôtre fut notre Denis l’Aréopagite ; il renonça à la superstition de l’idolâtrie, et quitta même les emplois de la vie séculière, pour se faire un parfait disciple de Jésus-Christ. Ce fut un grand sujet d’étonnement et en même temps de consolation pour lui, lorsqu’il découvrit, dans ses entretiens avec saint Paul, que l’éclipse extraordinaire qu’il avait aperçue à Héliopolis, à l’âge de vingt-cinq ans, et dont il avait marqué le jour, l’heure et le moment, était justement arrivée au temps de la Passion du Sauveur, comme signe du deuil que toute la nature en concevait. Il fut merveilleusement confirmé par cette rencontre dans la soumission à l’Evangile, dont il avait déjà fait profession, et c’est ce qui lui fait dire, dans son Epître à Saint Polycarpe, que l’éclipse qu’il avait vue l’avait fait passer de l’erreur à la vérité, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, et du culte abominable des simulacres à la connaissance du vrai Dieu. Un savant auteur dit que ce fut pour saint Denis que Notre-Seigneur conduisit saint Paul à Athènes ; et nous pouvons ajouter que ce fut aussi pour lui qu’il procura cette grande éclipse qui devait, par ses ténèbres, dissiper les siennes et le faire entrer dans le beau jour du christianisme.

Il eut de grands combats à soutenir dans les commencements de sa conversion ; car, excepté ceux qu’une passion aveugle faisait prétendre au rang qu’il possédait dans l’Aréopage, nul ne pouvait voir qu’avec douleur que cet illustre sénat fût privé d’un juge si intègre et si éclairé. Ses parents s’opposèrent de toutes leurs forces à sa résolution et tâchèrent de l’en détourner, en lui remontrant le tort qu’il faisait à toute sa famille et à lui-même, en quittant une place que les plus sages de la République regardaient comme l’objet le plus digne de leur ambition. Mais la grâce de Jésus-Christ fut plus forte en lui que la nature, et rien ne fut capable d’ébranler sa constance et de lui faire abandonner la résolution qu’il avait prise de se conformer à la vie pauvre et humiliée de son Sauveur.

Comme il ne fut pas longtemps à être parfaitement instruit de tous nos mystères, saint Paul lui conféra bientôt le sacrement du Baptême. Ensuite, il lui fit part de ces hautes lumières qu’il avait reçues dans son ravissement au troisième ciel, autant qu’elles pouvaient être expliquées par des paroles sensibles. Il le mena, pour cela, avec lui pendant trois ans dans plusieurs de ses voyages, le forma aux vertus évangéliques et aux travaux de la prédication. Denis eut aussi pour maître et pour directeur le divin Hiérothée, comme il e témoigne lui-même dans son livre des Noms divins, chapitre ii, et il apprit de lui de grands secrets sur les différentes manières de connaître Dieu, sur l’unité, la distinction et circumincession des personnes divines et sur d’autres sujets très-élevés et très-spirituels. Enfin, le nombre des chrétiens s’étant augmenté dans Athènes, saint Paul, dont la sollicitude s’étendait sur toutes les Eglises, leur donna Denis pour évêque. On ne peut assez dignement décrire sa conduite toute sainte et ses vertus éminentes dans l’épiscopat. Il se fit une image vivante de la mortification, du zèle et de la charité de l’Apôtre. Il traitait son corps avec une rigueur impitoyable.

Le jeûne et l’abstinence étaient son aliment le plus agréable. Il s’appliquait assidûment à la lecture, à l’oraison et à la contemplation des vérités éternelles. La présence de Dieu faisait toutes ses délices ; et s’élevant à lui tantôt par affirmation, tantôt par négation, tantôt par un simple regard de sa majesté infinie, sans nulle distinction d’attributs et de perfections, tantôt par un goût et une connaissance expérimentale de ce qu’il est, il vivait plus en lui et de lui qu’en soi-même et de soi-même. Cette occupation intérieure le détacha si fort des sens et de toutes les affections sensibles, qu’il devint un homme tout céleste. Les plus grands avantages de la terre ne lui paraissaient plus que comme de la boue. Jésus-Christ était son trésor, et il ne connaissait plus d’autre bien que de le servir, de lui plaire et de jouir éternellement de lui. L’humilité, la patience, la douceur, la chasteté et la simplicité de cœur étaient en lui dans un degré très-éminent, et il faisait toute son étude de faire mourir en soi le vieil homme, afin de n’être plus revêtu que du nouveau. Nonobstant tous ces exercices de la vie intérieure, il ne laissait pas de s’appliquer avec une vigueur admirable à tous les devoirs de la vie apostolique. Il prêchait souvent son peuple, et il le faisait avec tant de zèle et de feu, qu’il enflammait de l’amour divin tous ceux qui avaient le bonheur de l’entendre. Sa charité n’était pas renfermée dans les murs d’Athènes ; il en sortait souvent pour aller porter aux environs la lumière de l’Evangile, et il grossit, par ce moyen, si notablement son troupeau, qu’il en fit une des Eglises les plus considérables de la Grèce.

Nous pouvons juger par ce qu’il écrit dans son livre de la Hiérarchie ecclésiastique, quel règlement il établit dans sa propre église. Il en fit comme une copie de la hiérarchie céleste, par la distinction qu’il mit entre les membres différents qui la composent. L’évêque en faisait le premier ordre, les prêtres le second, et les ministres ou diacres le troisième. Il divisa aussi les laïques en trois classes : la première était celle des religieux, c’est-à-dire des personnes séparées du commerce du monde et entièrement dédiées au culte de Dieu ; la seconde, celle du peuple saint et fidèle, lequel, étant encore dans l’innocence du baptême, ou ayant recouvré la grâce par l’expiation de la pénitence, était jugé digne de la vue et de la participation des saints mystères ; et, sous ces deux, il en comprend une troisième, qui mérite néanmoins le second rang : c’est celle des vierges, dont saint Paul parle avec tant d’honneur au chapitre viie de sa première Epître aux Corinthiens. Il reste encore ceux qui n’étaient pas admis à la communion de l’Eucharistie, dont il distingue trois sortes, savoir : les pénitents, que leurs crimes commis après le Baptême excluaient pour un temps de la sainte Table ; les possédés ou énergumènes, que l’on ne souffrait pas dans l’église pendant la célébration de la messe, à cause des violences que les esprits immondes leur faisaient commettre ; et les catéchumènes qui, n’étant pas baptisés, ne pouvaient pas avoir part à l’aliment céleste et divin des fidèles. Pour ces personnes si différentes, il marqua trois lieux différents dans le temple, qui répondaient à ce que nous appelons le chœur, la nef et le porche. Le premier était pour l’évêque, les prêtres et les lévites, et c’était là qu’ils chantaient les louanges de Dieu et qu’ils célébraient les mystères redoutables de notre rédemption. Le second était pour les religieux, les vierges et le peuple, où ils faisaient leurs prières, entendaient la parole de Dieu, et se préparaient à la sainte communion. Car en ce temps-là les religieux n’étaient pas encore distingués du corps des laïques, et n’avaient pas des oratoires et des temples particuliers pour célébrer les divins offices. Il y avait seulement pour eux un endroit séparé hors le chœur, qui approchait plus près de l’autel que celui où se tenait le reste du peuple. Enfin, le troisième était pour les pénitents, les énergumènes et les catéchumènes, où ils attendaient avec impatience d’être purifiés, pour pouvoir approcher de la source de toute pureté, qui est l’Eucharistie. Ainsi l’église d’Athènes florissait sous la conduite d’un si sage pasteur, et était de tous côtés la bonne odeur de Jésus-Christ. D’ailleurs ce saint Evêque avait un commerce de lettres avec les plus grands hommes du Christianisme naissant. Nous avons encore celles qu’il a écrites à Tite, à Timothée, à Polycarpe et à d’autres prédicateurs de l’Evangile, qui sont pleines de l’esprit de Dieu et de la science des Saints. Quelques auteurs même ont assuré qu’il écrivit aussi à la sainte Vierge, et qu’il eut le bonheur de la voir à Ephèse, lorsqu’elle y fit un voyage avec saint Jean l’Evangéliste ; mais ces deux faits sont incertains, et nous n’en avons point de témoignage dans l’antiquité.

Ce qui est plus assuré, et ce qu’il nous apprend lui-même dans son livre des Noms divins, c’est qu’il eut la consolation de se trouver à Jérusalem au temps de son décès et d’y être témoin des merveilles qui s’y passèrent, avec saint Pierre, saint Jacques, saint Hiérothée et quantité d’autres saints personnages qui s’y étaient assemblés, comme nous l’avons remarqué dans le discours sur la fête de l’Assomption. Nous savons que ces paroles ont causé quelques discussions entre les savants : les uns prétendant qu’il parlait de la Mère de Dieu, et d’autres qu’il ne parlait que du sépulcre de Notre-Seigneur ; mais saint Juvénal, saint André de Crète, saint Maxime, martyr, saint Jean Damascène, saint Grégoire de Tours, saint Ildefonse et le bienheureux Albert le Grand, les ont expliquées de la sainte Vierge.

Il n’y a que quelques auteurs peu considérables qui les aient appliquées au sépulcre du Sauveur ; le texte seul fait assez voir que ce grand Docteur a voulu nous apprendre qu’il se trouvait aux obsèques de cette divine mère. Voici comme il parle à Timothée dans l’éloge admirable qu’il fait de saint Hiérothée. « Vous savez », lui dit-il, « que lorsque nous et lui-même, et plusieurs de nos bienheureux frères, nous assemblâmes pour voir ce corps qui a donné le principe à la vie et qui a reçu Dieu dans son sein d’une manière ineffable, saint Hiérothée était, après les Apôtres, le premier et le plus excellent de ceux qui louent la divine bonté ». Quel peut être ce corps qui a donné le principe à la vie et qui a reçu Dieu dans son sein d’une manière si éminente, sinon le corps de l’auguste Marie, dont la chair de Jésus-Christ a été formée et qui l’a porté neuf mois dans son sein virginal ? Pour le sépulcre, ce serait une manière impropre que de l’appeler le corps et de lui attribuer le principe de la vie : car, bien qu’il soit le lieu où Jésus-Christ a repris la vie, il n’a point, néanmoins, concouru à cette merveille et il n’en peut être légitimement appelé la cause ou le principe. D’ailleurs, remarque fort bien le cardinal Baronius, les Apôtres avaient souvent vu ce saint sépulcre : pourquoi auraient-ils fait en ce temps une assemblée si solennelle et si extraordinaire pour le voir et pour chanter tout autour des hymnes et des cantiques en l’honneur de Dieu ? Au reste, quoiqu’on tienne communément qu’en cette occasion les Apôtres furent transportés miraculeusement à Jérusalem par le ministère des anges, nous n’avons pourtant point de preuves qui nous obligent de dire la même chose de saint Denis. Il peut s’y être rendu par les voies ordinaires, à la suite d’une inspiration du Saint-Esprit, d’autant plus que le trajet d’Athènes à Jérusalem, qui se fait par mer, n’est pas de longue durée, et qu’il pouvait alors être occupé encore plus près à la prédication de l’Evangile. Cet honneur qu’il avait reçu et les merveilles qu’il avait vues, tant à la mort qu’à la sépulture de notre Reine, et encore à son tombeau lorsqu’on l’ouvrit en faveur de saint Thomas, lui donna toute sa vie une estime, une affection et un respect particuliers pour elle : comme il paraît par l’église qu’il fit bâtir en son honneur à Paris, et par l’amitié singulière qu’il contracta avec saint Jean, que Notre-Seigneur avait donné à sa Mère pour gardien, pour économe et pour fils.

Après son retour à Athènes, il s’appliqua avec une ferveur nouvelle à la sage conduite de son diocèse. Il réprimait le vice et le relâchement par la sévérité de ces censures, et animait à la vertu par l’exemple de ses vertus et par ses paroles tout enflammées. Il élevait les âmes aux plus éminents degrés de l’oraison et de l’union avec Dieu, par une direction parfaitement éclairée et par une science expérimentale des conduites extraordinaires et surnaturelles. Son zèle le porta encore à faire plusieurs missions pour détruire le culte des démons et gagner des cœurs à Jésus-Christ. Pendant son absence, un des religieux de son église, Démophile, animé d’un zèle impatient et indiscret, voyant un pécheur aux pieds d’un prêtre pour recevoir l’absolution et la pénitence, et le prêtre disposé à les lui accorder, s’irrita tellement contre tous les deux qu’après avoir reproché au prêtre sa lâcheté et sa trop grande indulgence envers les impies, il se jeta sur le pénitent, l’arracha violemment du tribunal sacré, et le chassa bien loin à coups de pied. Ensuite il entra dans le sanctuaire, où les religieux de ce temps-là ne pouvaient pas entrer, et eut la hardiesse d’en faire sortir le prêtre, comme un homme qui déshonorait son caractère par une condescendance criminelle. Son aveuglement fut si grand, que, croyant avoir fait une bonne action, il en informa son évêque et lui en demanda l’approbation ; le prêtre, de son côté, en fit ses plaintes comme d’un attentat inouï et qui tournait au déshonneur de tout l’ordre sacerdotal. Là-dessus saint Denis écrivit une lettre admirable à Démophile, après lui avoir remontré l’énormité de sa faute, premièrement par plusieurs exemples de douceur, rapportés dans l’Ecriture, et puis par la disproportion de son état avec celui du prêtre, qu’il avait eu la hardiesse d’outrager ; il lui raconta enfin un fait digne de mémoire, qui était arrivé à un de ses disciples nommé Carpus. Celui-ci était un très-saint prêtre qui jamais ne s’approchait des saints autels sans avoir été consolé par quelque vision. Il arriva néanmoins qu’un certain infidèle, ayant débauché et perverti un chrétien, le bon Carpus en fut si sensiblement touché, qu’il pria Dieu de faire tomber les foudres du ciel sur l’un et sur l’autre de ces impies, pour les exterminer. Lorsqu’il eut fait cette prière, il se coucha tout indigné ; mais s’étant levé à minuit, selon sa coutume, pour chanter les louanges de Dieu, il lui sembla que la maison où il était se fendait par le milieu, que le ciel s’ouvrait, que Jésus-Christ y apparaissait avec ses anges, et que de son tribunal tombait une pluie de feu pour consumer tous les pécheurs. Puis jetant sa vue en bas, il aperçut une horrible ouverture, d’où sortait une multitude de serpents qui, s’entortillant dans les jambes de ces deux misérables, les entraînaient dans le principe. Ce spectacle lui donna beaucoup de joie, et il lui tardait d’en voir la fin, par la chute de l’infidèle et de l’apostolat dans les flammes vengeresses de l’enfer ; pendant qu’il s’entretenait dans ses désirs, par un zèle immodéré de la justice, ayant une seconde fois levé les yeux vers le ciel, il vit Notre-Seigneur descendre de son trône et venir avec la compagnie de ses anges, pour donner la main à l’un et à l’autre, afin de les délivrer de la rage envenimée de ces serpents. Carpus fut for surpris d’une charité si contraire à sa rigueur ; mais il le fut bien davantage lorsque Notre-Seigneur, lui adressant la parole, lui dit : « Frappe-moi si tu veux, Carpus, et décharge ta colère sur ma propre personne ; je suis prêt à recevoir tes coups et même à mourir une autre fois pour les hommes. Ce que je demande, ce n’est pas qu’ils soient punis, mais qu’ils cessent de pécher et de se rendre dignes des peines éternelles ». Ce fut assez dire pour corriger ce bon prêtre et pour lui faire concevoir ce qui est écrit dans Ezéchiel, que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Et, par cet exemple que saint Denis avait appris de la bouche de Carpus même, dans l’île de Crète, où on l’avait fait évêque, il confondit aussi le faux zèle de Démophile, et lui apprit qu’il ne faut jamais rejeter les pécheurs qui ont recours au remède salutaire de la pénitence.

Si cette lettre eut un si bon effet, il ne fut pas moins heureux dans les efforts qu’il fit pour gagner Apollophane, ancien compagnon de ses études. Celui-ci avait été extrêmement indigné de la conversion de saint Denis, et ne pouvait s’empêcher, dans les occasions, de s’emporter avec furie et de vomir mille injures contre lui ; il l’appelait un impie et un parricide, parce qu’il se servait des sciences qu’il avait puisées dans les écoles de la Grèce pour combattre les sentiments des Grecs touchant la divinité. Saint Polycarpe fut souvent témoin de ces emportements et de ces excès ; il tâcha de les arrêter par sa douceur et entreprit même de gagner à Jésus-Christ ce sophiste, qui semblait n’avoir de la susceptibilité que pour combattre la croyance et les maximes de notre religion. Mais comme la chose tirait en longueur et qu’Apollophane continuait toujours ses médisances contre notre Saint il jugea à propos de lui en donner avis. C’est ce qui nous a valu la lettre admirable de Denis à Polycarpe s’en servit si avantageusement, qu’il adoucit enfin son esprit et qu’il le persuada de quitter la vanité des idoles, que toute la véritable philosophie condamnait, pour adorer un seul Dieu subsistant en trois Personnes, et un seul Jésus-Christ, Sauveur et Libérateur du monde, la seconde de ces trois Personnes. On ne peut concevoir la joie que saint Denis ressentit de ce changement. Il mit aussitôt la main à la plume et écrivit à Apollophane, pour lui témoigner et le féliciter du bonheur qui lui était arrivé, de connaître et de confesser la vérité. Cette lettre est merveilleuse et pleine d’une onction céleste. Elle commence par ces mots : « Je vous adresse maintenant la parole, ô l’amour de mon cœur », et elle finit par ceux-ci : « Maintenant, je mourrai joyeux en Jésus-Christ, qui est mon être et ma vie, puisque vous-même avez reçu la vie ». On ne sait pas précisément quand il écrivit ces deux lettres. Tout ce que nous pouvons dire touchant sa chronologie, c’est qu’il fut converti l’an 50 du salut, environ à l’âge de quarante ans, qu’il alla à Jérusalem et assista au trépas de la sainte Vierge, l’an 56 ou 57, et que jusqu’au temps de saint Clément, pape, il fit diverses missions dans la Grèce et l’Asie pour la propagation de l’Evangile. C’est pendant cet intervalle, auquel Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Tite, Domitien et Nera, tinrent successivement le siége de l’empire romain, qu’il alla en Achaïe, où saint André avait déjà enduré le martyre, afin d’y fortifier les nouveaux fidèles dans la doctrine qu’ils avaient reçue de cet apôtre : ensuite, passant la mer, et parcourant une infinité de villes et de bourgades, qui étaient sur sa route, il se rendit en Phrygie, où il demeura quelque temps à Troade ; et enfin il vint à Lacédémone, cette célèbre émule d’Athènes, où le cardinal Baronius croit qu’il écrivit à saint Jean l’Evangéliste, relégué par Domitien dans l’île de Pathmos, cette lettre prophétique dans laquelle il l’assure, non-seulement qu’il sera délivré de son exil et qu’il retournera en Asie, mais aussi qu’il y écrira son Evangile et qu’ils auront la consolation de s’y embrasser. Peu de temps après, cette prophétie commença de s’accomplir ; en effet, Domitien étant mort, et le Sénat ayant cassé tous ses arrêts, à cause de leur trop grande cruauté, saint Jean eut la liberté de sortir de Pathmos, où il avait composé son Apocalypse, et de retourner à Ephèse ; saint Denis l’y alla trouver, et ils eurent ensemble une conversation toute céleste. Ce fut apparemment dans cet entretien qu’il conçut le dessein de passer en Occident, pour y travailler à la rune de l’idolâtrie. Saint Jean lui représenta l’état déplorable où étaient les belles et riches provinces de l’Europe, la multitude infinie des âmes qui s’y perdaient tous les jours, pour être privées de la connaissance des vérités et des remèdes du salut, le peu d’ouvriers qui y étaient, pour arrêter le cours de tant de maux et la nécessité d’y en envoyer de l’Orient, où ils étaient en plus grand nombre. Denis, tout âgé qu’il était, car il ne pouvait pas avoir moins de soixante-dix-huit ans, s’offrit pour entreprendre ce travail et aller trouver saint Clément, successeur de saint Pierre, pour lui communiquer son dessein. L’Apôtre approuva son zèle et lui donna pour cela sa bénédiction.

Ainsi notre Saint, laissant pour son successeur à Athènes saint Publius, que saint Paul avait converti et baptisé avec toute sa famille dans l’île de Malte, et prenant avec lui saint Rustique, prêtre, et saint Eleuthère, diacre, traversa la mer et vint à Rome, où il se présenta à saint Clément, disposé à aller où il jugerait plus à propos, travailler à la vigne du Fils de Dieu. Le saint Pape eut une joie incroyable de cette résolution, sachant le mérite de ce grand homme, l’abondance des grâces dont Notre-Seigneur l’avait comblé, et son éloquence divine, capable de toucher les cœurs les plus endurcis. Comme il n’y eut point d’ecclésiastique à Rome qui ne souhaitât de marcher sous l’étendard d’un si brave capitaine, il n’eut pas de peine à lui former une nombreuse compagnie de prédicateurs apostoliques pour partir avec lui. Le champ de bataille qu’il lui proposa, ce furent les Gaules avec une partie des Espagnes, où à la vérité saint Paul avait passé et laissé quelques-uns de ses disciples, mais qui, néanmoins, dans la plupart des provinces, n’avaient pas encore entendu parler de la doctrine de l’Evangile. Pour les compagnons qu’il lui donna, on n’en sait pas le nombre au juste. Cependant on pense qu’il lui en donna peu d’abord, mais que dans la suite il lui envoya de saintes recrues, selon que l’espérance de la moisson augmentait ou qu’il se présentait de nouveaux ouvriers capables d’un si important ministère. Ceux que l’on marque plus ordinairement sont saint Rieul, qui était venu d’Orient, saint Marcel, surnommé Eugène, saint Eutrope, saint Lucien, saint Nicaise, saint Quirin, saint Taurin, saint Jonat, saint Saintin et saint Antoine.

Nous savons que quelques auteurs du xviie siècle ont combattu avec beaucoup d’ardeur l’histoire de la mission de saint Denis l’Aréopagite dans les Gaules ; ils prétendent que celui qui a souffert le martyre à Paris, et que nous reconnaissons pour notre apôtre, n’est pas ce célèbre disciple de saint Paul, mais un autre, bien plus récent, envoyé seulement au temps de l’empereur Dèce, et bien avant dans le troisième siècle. Mais il y a un si grand accord entre l’Eglise grecque et l’Eglise romaine, pour assurer que notre saint Apôtre est le même que l’Aréopagite, comme Hincmar, archevêque de Reims, l’a remarqué dans une lettre à l’empereur Charles le Chauve, qu’on ne peut sérieusement le révoquer en doute. La tradition en était déjà fort ancienne sous le règne de Louis le Débonnaire, père du même Charles, ainsi qu’il paraît par ce qu’en ont écrit saint Fortunat, évêque de Poitiers ; saint Eugène II, évêque de Tolède ; le vénérable Bède, très-savant dans l’histoire ecclésiastique ; saint Siméon, surnommé Métaphraste, auteur célèbre de la Vie des Saints ; saint Méthodius, patriarche de Constantinople ; Michel Syngèle, prêtre de Jérusalem ; Anastase le Bibliothécaire, l’abbé Romain, et le Concile de Paris, tenu en 825, dans une lettre au pape Eugène II. Mais elle devint encore plus certaine lorsque Hilduin, abbé de saint-Denis, en France, après une recherche très-exacte, qu’il fit par l’ordre exprès de l’empereur Louis le Débonnaire, en eut fait voir la vérité par des témoignages publics et authentiques, auxquels il n’y eut point de réplique. Depuis ce temps-là, on a été plus de huit siècles dans la même croyance, sans que qui que ce soit s’y soit opposé. Tout le monde, au contraire, était très-persuadé qu’en révérant l’Apôtre des Gaules, on révérait le bienheureux Aréopagite. Il n’y avait que la critique de notre temps, qui s’est fait un point d’honneur de raffiner sur les traditions historiques les mieux reçues, qui fût capable de réveiller cette contestation déjà jugée et assoupie, et de nous disputer de nouveau la gloire d’avoir un si grand homme pour notre premier évêque. Mais quelque effort qu’elle fasse, elle ne détruira pas un sentiment si fortement établi sur l’antiquité et si profondément imprimé dans le cœur des Français. Il y a véritablement quelques difficultés sur cette mission de saint Denis l’Aréopagite en France, comme il y en a sur toutes les traditions anciennes dont on n’a pas marqué assez exactement toutes les circonstances ; mais si l’on veut prendre la peine de lire les savants auteurs qui ont écrit depuis sur cette matière, entre autres Baronius, Sponde, Du Saussay, Germain Milet, Hugues Ménard et Noël Alexandre, de l’Ordre de Saint-Dominique, Mgr Freppel, M. l’abbé Darras, M. Faillon, les PP. Halloix, Lanssel, Cordier, Chifflet, etc., on les y trouvera résolues avec beaucoup de lumières et d’érudition. Sur quel fondement a-t-on voulu établir que le saint Denis de Paris n’est pas le même que le grand Aréopagite, disciple de saint Paul ? C’est que la foi n’a été prêchée dans les Gaules que bien tard sous l’empereur Dèce, comme on prétend le recueillir de Sulpice Sévère et de Grégoire de Tours ; or, ce sentiment n’est nullement soutenable, car il est contre toute vraisemblance. Quoi ! l’Evangile était porté chez les Scythes, les Brachmanes, les Indiens, les Ethiopiens et les Maures d’Afrique ; et les Gaules seules, qui sont à la porte de Rome, auraient été à ce point négligées et abandonnées des Apôtres et des souverains Pontifes, même en des temps où l’Eglise jouissant de quelque trève et n’étant point persécutée par les empereurs romains, il n’y avait rien de plus facile que de les secourir ?

Disons donc que notre saint Aréopagite, étant muni de la bénédiction de saint Clément, partit de Rome et se rendit dans les Gaules. Il arriva premièrement à Arles, où il fit les grandes actions que nous avons marquées dans la vie de saint Rieul et qu’il n’est pas nécessaire de répéter ici. Avant d’en partir, il commença à distribuer sa petite troupe pour la prédication de l’Evangile. Il laissa saint Rieul à Arles et l’en nomma évêque. Il envoya saint Eugène aux Pyrénées et lui confia la conversion des Espagnes. Il députa saint Eutrope en Saintonge, où il avait fait un voyage.

Pour lui, il s’avança vers Paris, méditant dans son cœur la conquête de tout ce grand royaume, non pas le fer et par le feu, comme César l’avait conquis, mais par la force de la parole de Dieu et en versant lui-même son sang pour ceux qu’il voulait acquérir à Jésus-Christ. Alors, le reste de ses missionnaires se partagea. Lucien fut destiné pour Beauvais ; Nicaise et Quirin, pour Rouen ; Taurin, pour Evreux ; Jonas, pour Chartres ; Saintin, pour Verdun ; et Antoine pour le pays de Chartrain. Denis prit pour son ressort, avec Rustique et Eleuthère, ses deux fidèles compagnons, la ville même de Paris ; il y arriva par le côté de la porte Saint-Jacques ; il s’arrêta d’abord à l’endroit où est l’Université, et qui n’était encore qu’un champ en friche, ou un bois désert et inhabité. On s’assembla bientôt autour de lui ; il parla avec tant de lumière et de vigueur de la vanité des idoles et de la nécessité de reconnaître un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre, et un seul Jésus-Christ, sauveur et réparateur du monde, qu’il attira bientôt une foule de personnes au Christianisme. Cet heureux succès lui fit prendre la résolution de bâtir quelques oratoires au lieu de sa retraite. Les Antiquités de Paris en marquent quatre. Le premier fut dédié en l’honneur de la très-sainte Trinité, et il était au lieu où fut depuis l’église de Saint-Benoît ; aussi dans la chapelle de Saint-Denis, de cette église, on lisait encore, en 1685, ces mots sur des vitraux : In hoc sacello sanctus Dionysius coepit invocare nomen sactae Trinitatis : « Saint Denis a commencé dans cette chapelle à invoquer le nom de la sainte Trinité ». Le second fut dédié en l’honneur des Apôtres saint Pierre et saint Paul ; c’est celui où sainte Geneviève faisait souvent ses prières, et dont elle procura l’augmentation et l’embellissement auprès du roi Clovis Ier, et où enfin elle fut enterrée : ce qui lui a fait prendre le titre de Sainte-Geneviève. Le troisième fut dédié en l’honneur de saint Etienne, premier martyr ; on l’appelait encore, en 1785, Saint-Etienne des Grecs, à cause de saint Denis et de ses compagnons, qui parlaient grec et étaient venus de Grèce. Le quatrième fut dédié en l’honneur de Notre-Dame. On l’a depuis nommé Notre-Dame des Champs ; les religieuses Carmélites, filles de sainte Thérèse, le possédaient avant la révolution et y renouvelaient par leur innocence et leur ferveur la vie admirable de ces premiers chrétiens de la ville de Paris. Saint Denis y a laissé une petite partie du voile de la Vierge, dont il avait hérité d’elle à l’ouverture de son tombeau, et une de ses images où elle était représentée, tenant son divin Enfant sur ses genoux.

Parmi ceux qui reçurent de sa main le vénérable Sacrement de la régénération spirituelle, le premier et le principal fut un seigneur parisien, nommé Lisbius ; les Montmorency en font la tige de leur illustre maison ; d’où vient qu’ils mettaient ces mots dans leur cri de guerre : « Dieu aide au premier chrétien ! » Ce néophyte, ne pouvant assez reconnaître les obligations qu’il avait à son maître, le pria d’entrer dans la ville et de venir demeurer chez lui. Le Saint ne refusa pas cette occasion que la divine Providence lui offrait pour faire de plus grandes conquêtes. Il établit donc sa demeure dans l’hôtel de Lisbius, et en fit même une église pour conférer le Baptême à ceux qui se convertissaient et pour célébrer les augustes Mystères. On croit que cette église était la paroisse de Saint-Barthélémy, devant le Palais.

La présence de ce grand prédicateur et de ses compagnons avança merveilleusement les affaires de la religion dans l’enceinte de Paris. Il y avait presse à les venir entendre, à se mettre au rang des catéchumènes et à se faire baptiser ; et l’on eût vu bientôt toute la ville abjurer l’idolâtrie et faire profession publique du Christianisme, si Fescenninus, qui gouvernait pour l’empereur, n’y fût accouru pour s’opposer à ces progrès. Ils étaient si connus de tout le monde, qu’il n’eut pas de peine à les découvrir et à les faire prendre. Pendant qu’ils étaient à son tribunal, Larci, femme de Lisbius, leur hôte, qui était toujours demeurée opiniâtre dans le paganisme et les haïssait à mort à cause des professions que faisait son mari pour leur subsistance et celle des fidèles, se fit elle-même leur accusatrice. Elle dénonça aussi son mari comme complice de leurs crimes et coupable d’impiété envers les dieux du pays. Sur cette dénonciation, Fescenninus les envoya saisir et les fit aussitôt comparaître devant lui. Il n’épargna rien pour leur persuader de renoncer à Jésus-Christ et d’adorer Mars et Mercure ; mais, les trouvant inébranlables et disposés à endurer plutôt mille morts que de commettre cette impiété, il fit décapiter sur-le-champ Lisbius, qui mérita, par cette mort, le titre glorieux de premier chrétien de Paris. Pour saint Denis et ses compagnons, il les fit jeter dans les cachots de la prison voisine, qu’on appelait alors la prison de Glaucin, et que l’on a depuis changée en une église sous le nom de Saint-Denis de la Chartre. Cette prison ne fut pas pour eux une simple détention, mais un supplice : car on leur passa la tête dans de grosses pierres percées par le milieu, et on les y attacha de telle sorte, qu’ils étaient obligés de demeurer toujours couchés par terre dans des postures très-pénibles. On voyait encore, au xviiie siècle, une de ces pierres dans la même église, comme témoignage de cette cruauté.

Peu de temps après, ce président les fit revenir devant lui ; et, après les avoir inutilement pressés, tantôt par des promesses, tantôt par des menaces, de consentir à ses volontés, il les fit cruellement fustiger. On ne peut assez admirer la force et la constance du grand saint Denis, qui, âgé de plus de cent ans, endurait ce martyre avec autant de paix et de tranquillité que s’il eût été couché sur un lit de roses. On lui déchira tous les membres à coups de fouet, on lui découvrit même les os, et on le baigna dans son propre sang. Cependant il ne se plaignit jamais, et, s’il sortit quelques paroles de sa bouche, ce ne furent que des paroles de louange et de bénédiction. « Que ma langue », disait-il, « bénisse le Seigneur, et que toutes mes entrailles soient employées à louer sa bonté ». Saint Rustique et saint Eleuthère, qui avaient part aux tourments de leur maître, imitaient aussi sa générosité. Ni la violence des coups, ni les plaies réitérées, ni le sang qu’ils voyaient couler de leurs corps, ne furent capables d’ébranler leur courage et de les faire balancer dans leur résolution. Le tyran, effrayé de cette persévérance, les fit tous conduire en prison, espérant que la douleur de leurs blessures, jointe à l’odeur insupportable du lieu, leur causerait enfin de l’ennui et les rendrait plus soumis aux désirs de l’empereur ; mais il se trouva trompé dans son attente. Les souffrances ne firent qu’augmenter leur ferveur, et ils parurent le lendemain à son tribunal avec plus de joie et de hardiesse qu’ils n’en avaient jamais témoigné. Fescenninus, furieux, fit recommencer sur eux le traitement du jour précédent, et, comme cette cruauté ne servit de rien, il s’arma d’une nouvelle rage, principalement contre le saint Evêque : il le fit étendre sur un gril, sous lequel il commanda d’allumer un grand feu. Nous laissons au lecteur à penser quel fut le martyre de ce vénérable vieillard, lorsque son corps, déjà tout déchiré et ensanglanté, commença à sentir la rigueur de la flamme et à brûler. Il ne fit néanmoins paraître aucun signe de tristesse et de mécontentement ; mais, se soutenant dans ce supplice avec une fermeté inébranlable, il ne fit autre chose qu’implorer la miséricorde de Dieu et s’immoler à sa justice. Les bourreaux eurent ordre aussitôt de le lever de dessus ce lit pour être exposé à des lions ; mais ces bêtes n’ayant osé le toucher, et s’étant au contraire prosternées devant lui pour lui lécher les pieds, il fut jeté dans un four ardent qui devait le consumer en un moment. Notre-Seigneur, qui voulait rendre son martyre encore plus éclatant, le secourut admirablement en cette rencontre. Il amortit l’ardeur de ce four, et le rendit aussi frais et aussi agréable que la fournaise de Babylone, lorsque les trois enfants y furent enfermés. Denis y entra donc, mais il n’en reçut aucun dommage, et il en sortit en meilleur état qu’il n’y était entré. Ensuite, on l’attacha sur une croix, afin qu’il eût l’honneur d’être l’image vivante de Jésus-Christ crucifié. Comme il avait pour la croix les mêmes inclinations que son cher Maître, il en fit aussi les mêmes usages. Il en fit un autel pour se sacrifier, une chaire pour prêcher et un trône pour régner.

Le peuple s’étant assemblé autour de lui, il saisit l’occasion pour leur annoncer le mystère ineffable de la passion du Sauveur et le bonheur qu’elle avait apporté au monde : et il n’eût pas moins fait de conversions sur cet instrument de douleur que dans la chaire de son église, si le président ne l’en eût fait promptement détacher. Tout cela se passa au milieu de la place publique de Paris, qui était alors sur le bord de la rivière, à la tête de l’île du palais, au lieu où l’on a depuis bâti une église sous le nom de Saint-Denis du Pas. On dit que le maître-autel de cette église a été dressé à l’endroit même où le Saint fut étendu sur le gril, et l’on y montrait aussi le lieu de la fournaise où il fut jeté.

Tant de différents supplices n’ayant pu ôter la vie à nos saints Martyrs, ils furent reconduits dans leur cachot, avec quantité d’autres chrétiens qui avaient trop témoigné de zèle pour leur délivrance. Ce fut alors que le bienheureux Prélat parfaitement libre dans ses chaînes, voulut célébrer, pour la dernière fois, l’auguste Sacrifice de la messe, afin de fortifier ses chers enfants et de se fortifier lui-même, par la communion du corps de Jésus-Christ, contre les combats qui leur restaient à endurer. Mais, par une insigne merveille, lorsqu’il fut à la fraction de l’hostie, Notre-Seigneur apparut visiblement à toute l’assistance, et, prenant de ses propres mains son corps, qui était sur l’autel, il le lui donna, lui disant : « Recevez ceci, mon bien-aimé, et ne doutez point de la récompense qui vous attend, vous, et tous ceux qui écouteront votre parole. Vous combattrez vaillamment et vous remporterez la victoire. La mémoire de votre martyre sera immortelle ; et, lorsque vous prierez pour quelqu’un, vous obtiendrez tout ce que vous demanderez ». En même temps, la prison fut remplie d’une admirable lumière, et chaque fidèle ressentit en son âme une ardeur de la foi et un désir du martyre qui n’est pas concevable. La grâce du Sauveur ne se borna pas même à la prison ; elle alla trouver dehors la malheureuse Larcie, pour qui, sans doute, son mari avait prié dans le ciel, et elle lui toucha si puissamment le cœur, qu’elle en fit une sainte pénitente.

Cependant, le lendemain étant arrivé, Fescenninus rappela pour la dernière fois les prisonniers, et, les trouvant aussi fermes et inébranlables qu’auparavant, après les avoir fait encore fouetter, il les condamna à avoir la tête tranchée. On les mena aussitôt du côté septentrional de la ville, sur une colline dédiée à Mercure, que nous appelons maintenant Montmartre, c’est-à-dire mont des Martyrs : et là, en présence d’une infinité de peuple qui fondait en larmes, on leur coupa la tête avec de petites haches émoussées, afin de leur causer plus de douleur. Ce fut le 9 octobre, sur la fin de l’empire de Trajan, ou au commencement de celui d’Adrien, vers l’année 117. Il se fit en même temps un horrible carnage de chrétiens, tant au dedans de la ville qu’aux environs, dans lequel Larcie, qui venait de reconnaître sa faute et de se convertir, fut enveloppée. Elle n’était pas encore baptisée ; mais son sang, répandu pour Jésus-Christ, lui servit de Baptême.

Saint Denis ayant été ainsi décapité, son corps se leva de lui-même, et, prenant sa tête entre ses mains, la porta en triomphe jusqu’au lieu où est à présent la ville de son nom, à deux lieues de Paris. Ce prodige est rapporté, non-seulement par les auteurs récents, mais aussi aux Ménologes des Grecs, et par Siméon Mataphraste, Méthodius, Hilduin, Hugues de Saint-Victor, Nicéphore Calixte, Coelius Rhodiginus et beaucoup d’autres. Pendant sa marche, des anges chantaient avec une mélodie admirable : Gloria tibi, Domine, et d’autres répondaient : Alleluia, alleluia, alleluia. Lorsqu’il eut fait une lieue, il rencontra une pieuse femme appelée Catulle, qu’il avait instruite dans la foi ; entre ses mains il se déchargea du trésor inestimable de sa tête et tomba en même temps à ses pieds. Cette sainte femme eut une joie extraordinaire d’avoir été choisie par ce bienheureux évêque pour dépositaire de ses reliques. Elle les cacha soigneusement dans sa maison, avec celles de saint Rustique et de saint Eleuthère, qu’elle eut l’adresse et le bonheur de recouvrer à prix d’argent.

On le représente recevant sa tête sur les mains et allant la remettre à une femme chrétienne qui tien un linge.

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Published by Sur les Pas des Saints - dans Saint Denis