Le 27 avril 1915, le pape Benoit XV encourage l’apôtre de l’Intronisation.
Pendant cette guerre, des milliers de soldats " épinglent le drapeau du Sacré-Coeur, comme insigne individuel, sur leur capote et leur képi : pour eux c’est le nouveau labarum ".
Pour H. Odelin " la France catholique a donc répondu généreusement aux demandes du Sacré-Coeur. Et c’est pour cela qu’il l’a sauvée, au mois de Septembre 1914 où le flot de l’invasion des barbares le détourna de la capitale ". En effet, le vendredi 4 septembre 1914, Von Klück oblique à l’est de Paris.
Le cardinal Amette s’adressant au clergé et aux fidèles de son diocèse pour le mois et la fête du Sacré-Coeur rappelle que le Pape " exhorte à implorer du Coeur très aimant et très compatissant de Jésus le retour d’une paix durable ".
En juin 1917 des soldats alliés se rassemblent à Paray-le-Monial avec leurs étendards sur lesquels un Sacré-Coeur a été apposé. Ils se retrouvent le 15 pour une journée des soldats catholiques des armées alliées où ils renouvellent leur consécration à Montmartre.
La basilique de Montmartre devient ainsi le centre mondial d’expansion de la dévotion au Sacré-Coeur. Le cardinal Amette, dont le rôle est décisif, appose, l’emblème du Coeur de Jésus sur l’oriflamme de Saint-Denis et le reçoit à Montmartre, à défaut du drapeau national. Il décide d’ouvrir le procès de canonisation de la Bienheureuse Marguerite-Marie.
L’année 1917 correspond au point culminant de la mise en place du culte du Sacré-Coeur, il atteint sa maturité sinon sa finalité.
Depuis plus de deux siècles le culte a progressé en fonction des crises politiques et militaires de la France.
Dès avant 1914, la France est profondément déchristianisée, la société civile, se laïcise.
Dans une conférence faite à la Société des conférences, Mgr Baudrillat déclarait " Que le gouvernement français sous le nom de laïcité demeure fïdèle à son principe de neutralité religieuse, nous nous inclinons, mais que seul de tous les Gouvernements du monde, il considère comme une impossibilité de prononcer le nom de Dieu et de prier en quelque circonstance et de quelque façon que ce soit, qu’en d’autres termes, il se déclare officiellement athée, c’est la pierre de scandale pour nous et pour l’immense majorité des hommes en tous pays " (24 mars 1916).
En 1918, le cardinal Luçon, archevêque de Reims, ville martyre, écrit au président de la République : " Elle est impatiemment attendue et ardemment désirée la parole par laquelle ceux qui ont l’honneur de représenter la France devant Dieu et devant les nations, imploreraient officiellement l’assistance divine. C’est une humiliation pour notre pays qu’il soit le seul dont les chefs n’aient pas provoqué des prières nationales, à l’occasion de cette guerre qui tient dans l’angoisse le monde entier. Aucune raison valable ne peut justifier l’abstention dans laquelle on s’est obstinés jusqu’ici. "
Clémenceau répond : " Nous nous trouvons devant l’obstacle décisif de la loi. "
Au front le soldat vit comme un animal, les repères de la vie sociale n’existent plus, le fatalisme règne.
Dans un monde bouleversé par la guerre, le prêtre retrouve son rôle de missionnaire. Une loi anticléricale instaure " les curés sac au dos " en 1889. En 1914, 25.000 prêtres sont mobilisés et deviennent sous-officiers, officiers combattants, brancardiers ou infirmiers du service auxiliaire, aumôniers volontaires. Partageant la vie des soldats, l’ecclésiastique n’est plus différent des autres. Dans la fraternité des tranchées il est l’égal et l’ami de tous.
Le rôle de l’aumônier est décisif dans la vie religieuse au front, les hommes pratiquent à leur manière, certains ont oublié, lui il rassemble.
Le chapelet, que l’on peut porter sur soi comme une médaille, prend une place particulière. Les Amis du Sacré-Coeur recommandent " la Croisade du chapelet pour la France " instituée en 1899. Cette dévotion " chère au Coeur Immaculé de Marie " doit fléchir Dieu et arrêter la guerre. La dévotion à la Vierge est renforcée par les apparitions, de Fatima , de plus Marie symbolise la Mère, la mère du Christ et du soldat, la mère consolatrice.
Le côté miraculeux, merveilleux, n’est jamais absent de la dévotion mariale. La mort chrétienne du fils d’un sénateur anticlérical en démontre le mécanisme ( La Semaine religieuse de Toulouse, 21 février 1915), L’autre jour a été tué un officier de très grande valeur, le lieutenant d’artillerie X..., fils de l’ ancien sénateur X..., qui fut grand-maître de la maçonnerie. Or, savez-vous ce que I’on a trouve sur lui, à l’intérieur de sa tunique ? Une médaille de la Vierge et un de ses parents est venu demander pour lui, disant connaître ses sentiments, des obsèques religieuses. Ce lieutenant d’artillerie n’ est autre que le fils de l’ex-sénateur de l’ Ariège trop célèbre pour son anticléricalisme outrancier, M. Delpech. "
La fête de Jeanne d’ Arc fait partie intégrante de la piété au front. Symbole du nationalisme victorieux, de la nation catholique, Jeanne est aussi une sainte, patriote, jeune comme les soldats. Toutefois la dévotion au Sacré-Coeur tient une place prépondérante car elle se réfère au collectif et à l’individuel. Par l’Intronisation de la famille au Sacré-Coeeur le soldat reste intégré dans sa famille, il garde ses racines civiles et religieuses. Par la dévotion à la Passion, intégrée dans le culte du Sacré-Coeur, le soldat s’identifie au Christ souffrant.
A Montmartre " on ne suffit pas à bénir des médailles, médailles du scapulaire, images du Sacré-Coeur, insignes de foi que les combattants porteront ostensiblement.
La diffusion est partout : " Tous ont gardé l’image du Sacré-Coeur que les dames de la Croix-Rouge épinglèrent sur nos poitrines lors de notre passage à Paray -le-Monial. (La Croix d’Auvergne, 10 janvier 1915).
En France occupée, la police allemande s’inquiète de cette manifestation. A Cambrai, une broche aux trois couleurs représentant le Sacré-Coeur, avec une invocation pour la France, est donnée par un prisonnier à une personne pieuse. Aussitôt l’objet est reproduit à des milliers d’ exemplaires et distribué. La police allemande interdit de porter cet insigne sous peine d’une amende de 3.000 marks ou d’ emprisonnement jusqu’à cinq ans (Raconté par Mgr Chollet, évêque de Cambrai).
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